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parfaite connaissance, « qu’ils n’auront que dans la suite », et qu’il ne leur a parlé de la sorte que pour les empêcher de se tourmenter l’esprit par des raisonnements, car il y a apparence qu’ils avaient quelques pensées humaines et qu’ils craignaient de ne recevoir aucun secours de lui, il dit : « Je vous ai dit ces choses, afin que vous trouviez la paix en moi » (33) ; c’est-à-dire, afin que je ne sois pas effacé de votre cœur, mais qu’au contraire j’y demeure toujours profondément gravé. Qu’aucun de vous ne prenne donc ces choses pour des dogmes, je ne les ai dites que pour votre consolation et pour vous exhorter à la fidélité et à l’amour. Vous n’aurez pas toujours à souffrir, vos afflictions s’apaiseront enfin. Mais tant que vous serez dans le monde, vous aurez à supporter bien des peines et des travaux, non seulement à présent que je vais être livré à mes ennemis, mais encore dans la suite. Prenez courage et ayez confiance. Vos souffrances seront légères ; le Maître ayant vaincu les ennemis, les disciples ne doivent point désespérer. Mais permettez-nous, Seigneur, de vous le demander, comment avez-vous vaincu le monde ? Je vous l’ai déjà dit, que j’en ai précipité le prince dans l’abîme, et vous le connaîtrez dans la suite, lorsque tout le monde vous sera soumis et vous obéira.

3. Nous pouvons nous-mêmes aussi, mes frères, nous pouvons vaincre le monde, si nous voulons jeter les yeux sur l’auteur de notre foi, et marcher dans le chemin qu’il nous a frayé. Marchons-y, et la mort même ne nous vaincra point. Quoi donc ! direz-vous, est-ce que nous ne mourrons point ? C’est alors qu’il serait évident que la mort ne nous vaincra point. Un guerrier se rend illustre, non en ne combattant point son ennemi, mais en le terrassant dans le combat. Donc, ce n’est pas à cause du combat qu’on est mortel, mais c’est à cause de la victoire qu’on devient immortel. C’est si nous demeurions toujours sous l’empire de la mort que nous serions mortels. Comme je ne dirai point immortels les animaux qui ont une très-longue vie, encore qu’avant que de mourir ils vivent longtemps, de même aussi je ne dirai point mortel celui qui doit ressusciter après sa mort. Dites-moi, je vous prie, si quelqu’un rougit un moment, dirons-nous pour cela qu’il est toujours rouge ? Non, certes, car ce n’est point là une rougeur habituelle et permanente. Si quelqu’un pâlit, dirons-nous pour cela qu’il ait la jaunisse ? Nullement : car sa maladie est passagère. Ne dites donc pas mortel celui qui n’est mort que pour un peu de temps. Si vous le dites mort, ceux qui dorment, dites-les aussi morts : ils sont, pour ainsi dire, morts, puisqu’ils n’agissent point ; mais la mort corrompt les corps. Et que fait cela ? Ils ne meurent pas pour demeurer dans la corruption, mais pour devenir incorruptibles.

Vainquons donc le monde ; courons à l’immortalité. Suivons notre roi ; dressons-lui des trophées, méprisons les voluptés : ce n’est point là un grand travail. Élevons nos esprits et nos cœurs au ciel, et dès lors nous aurons vaincu le monde. Ne le désirez point, et vous l’avez vaincu : riez-en, vous êtes victorieux. Nous sommes des voyageurs et des étrangers que rien ne nous inquiète donc, que rien ne nous afflige. En effet, si étant sorti d’une patrie florissante, et d’illustres parents, vous étiez allé dans un pays éloigné, ou inconnu à tout le monde, sans enfants, sans richesses, quelqu’un vous fit un affront, vous n’auriez point tant de peine à le souffrir, que si vous étiez chez vous dans votre famille. Considérant alors que vous êtes dans une terre étrangère et éloignée, cela seul vous persuaderait aisément que vous devez tout souffrir, tout mépriser, et la faim et la soif, et tous les autres accidents. Maintenant de même, faites cette réflexion, que vous êtes ici un étranger et un voyageur, afin que, vous regardant comme dans une terre étrangère, rien ne soit capable de vous troubler.

Et certes, vous avez une cité dont Dieu est lui-même le créateur et l’architecte : ce monde-ci n’est qu’un lieu de pèlerinage, et où vous n’avez que très-peu de temps à demeurer. Nous frappe, nous charge d’injures et d’outrages qui voudra, nous sommes dans une terre étrangère, où nous vivons à peu de frais. Véritablement il nous serait dur d’avoir à souffrir de même dans notre patrie, et parmi nos concitoyens ; alors cela nous ferait un grand tort, et nous couvrirait d’infamie. Mais si, au contraire, l’on se trouve en un lieu où on ne soit connu de personne, on souffre tout facilement. Car l’outrage aggrave la volonté de celui qui le fait ; par exemple : offenser un magistrat qu’on connaît pour tel, c’est une mortelle offense ; mais l’outrager en le croyant un particulier,