Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/502

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne se contredisait point en soi, leur paraissait se contredire. Où allez-vous, disent-ils, pour que nous vous puissions voir ? Si vous vous en allez, comment vous verrons-nous ? Voilà pourquoi ils disaient : « Nous ne savons ce qu’il veut dire (18) ». Ils savaient qu’il devait s’en aller, mais qu’il dût revenir peu après, c’est là ce qu’ils ignorent. Voilà pourquoi le Sauveur les reprend de ne l’avoir pas compris ; et, voulant leur inculquer dans l’esprit la foi dans sa mort, il leur dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis : vous pleurerez et vous gémirez », à savoir : sur ma croix, sur ma mort ; « mais le monde se réjouira (20) ». Comme les disciples, ne voulant point que leur Maître mourût, se portaient facilement à croire qu’il ne mourrait point, et comme ils étaient dans le doute, ne sachant pas ce que voulait dire cette parole : « Encore un peu de temps », Jésus-Christ dit : « Vous pleurerez et vous gémirez, mais votre tristesse se changera en joie ».

Jésus-Christ ensuite, après avoir déclaré à ses disciples que la joie succéderait à leur tristesse, que de leur affliction naîtrait leur consolation, qu’il ne serait absent que pour un peu de temps, et que leur joie serait perpétuelle, passe à un exemple commun et trivial. Et que dit-il ? « Une femme, lorsqu’elle enfante, est dans la douleur (21) ». Les prophètes aussi se sont souvent servis de cet exemple, comparant la tristesse aux douleurs de l’enfantement. Mais voici ce que veut dire le Sauveur : Vous serez comme attaqués des douleurs de l’enfantement, mais la douleur de l’enfantement est un sujet de joie ; par cette comparaison il confirme sa prochaine résurrection, et il montre que mourir, c’est la même chose que sortir du sein d’une femme pour entrer dans une brillante lumière ; c’est comme s’il disait : Ne vous étonnez pas que par cette tristesse je vous amène à une heureuse issue, puisqu’une femme ne devient mère que par la douleur.

Le Seigneur nous découvre encore ici un mystère, à savoir : qu’il a détruit la mort, qu’il lui a ôté tout ce qu’elle avait d’âpre et d’amer, et qu’il a régénéré l’homme et en a fait un homme nouveau. Au reste, il n’a pas seulement dit que la tristesse passerait, il n’en fait même pas mention, tant sera grande la joie qui lui doit succéder : c’est là aussi ce qui arrivera aux saints. Mais encore : une femme ne se réjouit point de ce qu’il est venu un homme au monde, elle se réjouit seulement quand c’est elle qui a mis un homme au monde. Si une femme se réjouissait de ce qu’il est venu un homme au monde, rien n’empêcherait que celles qui n’enfantent point ne se réjouissent de la fécondité de celles qui enfantent. Pourquoi donc Jésus-Christ s’est-il servi de cet exemple ? Parce qu’il a seulement voulu montrer que la douleur ne durerait qu’un peu de temps ; mais que la joie serait perpétuelle, que la mort n’était qu’un passage à la vie, et que les douleurs de l’enfantement produiraient un grand fruit et un grand avantage. Et le Sauveur n’a point dit : Il est né un enfant, mais : Il est né un homme ; voulant, par cette façon de s’exprimer, nous faire entendre qu’il parle de sa résurrection et que le nouvel homme ne serait point sujet à la mort, mais qu’il naîtrait pour vivre et pour régner éternellement. Voilà donc pourquoi il n’a point dit : Il est né un enfant, mais : Il est né un homme au monde.

« C’est ainsi que vous serez maintenant dans la tristesse, mais je vous verrai de nouveau, et votre tristesse se changera en joie (22) ». Ensuite, pour faire voir qu’il ne mourra plus[1], il dit : « Et personne ne vous ravira votre joie. En ce jour-là vous ne m’interrogerez plus sur rien (23) ». Jésus-Christ, par ces paroles, ne déclare autre chose, sinon qu’il est envoyé de Dieu ; alors vous saurez toutes choses. Mais que veut dire ceci : « Vous ne m’interrogerez point ? » Vous n’avez pas besoin de médiateur, mais il vous suffira de prononcer seulement mon nom pour obtenir tout ce que vous demanderez ; en quoi Jésus-Christ fait connaître la vertu et la puissance de son nom, puisque, sans qu’on le voie, sans qu’on le prie, la seule invocation de son nom met les hommes en crédit auprès du Père. Mais quand cela est-il arrivé ? Lorsque les apôtres disaient : « Seigneur, considérez leurs menaces, et donnez à vos serviteurs la force d’annoncer votre parole avec une entière liberté, et le pouvoir de faire des merveilles et des prodiges en votre nom ; et le lieu où ils étaient trembla ». (Act. 4,29)

« Jusques ici, vous n’avez rien demandé (24) ». Le Sauveur fait de nouveau connaître

  1. Saint Paul dit de même : Nous savons que Jésus-Christ étant ressuscité d’entre les morts ne mourra plus et que la mort n’aura plus d’empire sue lui. Car, quant à ce qu’il est mort, il est mort seulement une fois pour le péché ; mais quant à la vie qu’il a maintenant, il vit pour Dieu. (Rom. 6,9-10)