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se tournait contre moi ; et encore : Parce qu’il eût été inutile de vous les dire dès le commencement.

Mais est-ce qu’il ne les leur a point dites ? Ayant appelé ses douze disciples, ne leur dit-il pas : « Vous serez présentés aux gouverneurs et aux rois, et ils vous feront fouetter dans leurs synagogues ? » (Mt. 10,18) Pourquoi dit-il donc : « Je ne vous ai pas dit ces choses dès le commencement ? » Parce qu’il leur avait seulement prédit qu’on les ferait fouetter, et qu’ils seraient obligés de se cacher ; mais qu’il ne leur avait point découvert que leurs ennemis auraient leur mort tant à cœur, qu’ils croiraient rendre un service à Dieu et lui offrir un sacrifice en les faisant mourir. C’est là précisément ce qui pouvait le plus les effrayer, que d’être jugés et traités comme des impies et des scélérats. De plus, alors il ne leur prédisait que ce que les gentils leur devaient faire souffrir ; mais maintenant il leur déclare et avec plus de force, ce que les Juifs doivent faire contre eux, et il leur apprend que déjà leurs ennemis sont à la porte, et toutes ces calamités près de fondre sur eux.

« Mais maintenant je m’en vais à celui qui m’a envoyé, et aucun de vous ne me demande où je vais. Mais parce que je vous ai dit ces choses, votre cœur a été rempli de tristesse ». Ce n’était pas une faible consolation pour les disciples de voir que leur Maître connaissait toute la grandeur de leur tristesse. L’inquiétude et le chagrin de son départ, et la vue des maux qui allaient fondre sur eux, tels qu’ils ne savaient pas s’ils les pourraient supporter, les accablaient et les jetaient dans cette profonde tristesse. Pourquoi le Sauveur n’a-t-il pas attendu qu’ils eussent reçu le Saint-Esprit, pour leur prédire ces choses ? C’est pour vous apprendre qu’ils étaient déjà établis dans la vertu. Si, avant même que le Saint-Esprit fût descendu sur eux, ils ne se sont point retirés, encore qu’ils fussent accablés de tristesse, quelle pensez-vous qu’a dû être leur force et leur vertu, après qu’ils ont été remplis de cette grâce ? Mais s’ils n’avaient appris ce qui leur devait arriver qu’après la descente de l’Esprit-Saint, nous lui attribuerions tout ; au lieu que maintenant nous voyons que tout le fruit qu’ils portent vient de la bonne disposition de leur cœur, et c’est une preuve manifeste de l’ardent amour qu’ils ont pour Jésus-Christ, amour qui dévore leur âme encore dénuée d’assistance.

« Cependant je vous dis la vérité (7) ». Voyez comment le Sauveur console de nouveau ses disciples. Je ne vous parle point par flatterie, dit-il, mais quoique vous vous attristiez extrêmement, je dois néanmoins vous apprendre ce qui vous est avantageux. Vous désirez que je demeure avec vous, mais il est de votre intérêt que je vous quitte. Or, il est d’un bon curateur de ne pas faire ce que désirent de lui ses amis, lorsqu’ils se veulent priver d’un bien et d’un avantage : « Si je ne m’en vais point, le Consolateur ne viendra point ».

Que disent de ces paroles ceux qui combattent la divinité du Saint-Esprit[1] ? Est-il avantageux que le Maître s’en aille et que le serviteur vienne à la place ? Ne voyez-vous pas combien est grande la dignité du Saint-Esprit ? « Mais si je m’en vais, je vous l’enverrai ». Et quel bien cela nous procurera-t-il ? « Lorsqu’il sera venu, il convaincra le monde (8) » ; c’est-à-dire, vos ennemis ne feront pas impunément ces choses, si le Saint-Esprit vient. Les œuvres que j’ai déjà faites suffisaient pour leur imposer silence ; mais, lorsque le Saint-Esprit aura opéré les œuvres et les prodiges que je vous ai prédits, lorsque ma doctrine sera plus parfaitement répandue, et qu’on aura fait de plus grands miracles, ils subiront un jugement plus rigoureux et une plus grande condamnation, ayant vu tant et de si grands prodiges que vous opérerez en mon nom, preuves et témoignages certains de ma résurrection.

Maintenant ils peuvent dire : c’est le Fils d’un charpentier dont nous connaissons le père et la mère. (Mt. 13,55) Mais quand ils verront la mort détruite, l’injustice bannie, les boiteux marchant droit, les démons chassés, les dons immenses du Saint-Esprit et toutes ces merveilles opérées par l’invocation de mon nom, que répondront-ils ? Mon Père m’a rendu témoignage, le Saint-Esprit me le rendra aussi : il me l’a rendu dès le commencement, et maintenant encore il me le rendra.

2. Au reste, ce mot : « Il convaincra touchant le péché (9) », signifie : il leur ôtera toute excuse, et il fera voir que leurs crimes

  1. Les Valentiniens, les Marcionites, et les autres gnostiques furent appelés Pneumatomaques, parce qu’ils combattaient la divinité du Saint-Esprit, qu’ils mettaient au nombre des créatures.