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pauvres. Jésus-Christ lui-même nous promet le ciel pour récompense, et nous ne lui donnons même pas du pain ; sur quoi nous excuserons-nous ? Il fait lever son soleil sur vous, il met à votre service toute la création (Mt. 5,45) ; et vous, vous ne lui donnez pas seulement un habit ; et vous, vous ne lui donnez pas le moindre logement dans votre maison ? Et que dis-je, son soleil et les créatures ? Il vous a donné son corps et son sang précieux, et vous ne lui donnez même pas un verre d’eau ; peut-être cela vous est-il arrivé une fois ? mais ce n’est point là exercer la miséricorde ; si, tant que vous avez de quoi donner, vous ne donnez pas, vous n’accomplissez pas tout le devoir de miséricorde. Les vierges, qui avaient des lampes, avaient aussi de l’huile ; mais ce qu’elles en avaient n’était pas suffisant. Quand même vous donneriez du vôtre, vous ne devriez pas être si avare, mais comme vous ne donnez que ce qui appartient au Seigneur, pourquoi êtes-vous si tenace ?
Voulez-vous que je vous découvre d’où vient une si grande inhumanité ? Ceux qui amassent par avarice sont durs et paresseux à donner l’aumône, celui qui a appris à s’enrichir de la sorte ne sait ce que c’est que la répandre. Comment, en effet, celui qui est prêt aux rapines pourrait-il se résoudre à donner ? Celui qui ravit le bien d’autrui, comment donnerait-il du sien à un autre ? Un chien qui s’est accoutumé à vivre de carnage, ne peut plus garder le troupeau ; c’est pourquoi les bergers tuent ces sortes de chiens. Abstenons-nous donc d’une pareille nourriture, si nous ne voulons pas qu’on nous tue de même. Et sachons que c’est vivre de carnage que de faire mourir les autres de faim.
Ne voyez-vous pas, mes frères, que Dieu nous a donné toutes choses en commun ? S’il a permis qu’il y eût des pauvres, il l’a permis pour l’amour des riches, afin qu’ils pussent effacer leurs péchés par l’aumône. Mais vous êtes en cela même cruel et inhumain ; d’où il paraît évidemment que, si votre pouvoir était plus grand et plus étendu, vous commettriez une infinité de meurtres, et vous prive riez tous les hommes de la lumière et de là vie. Voilà pourquoi Dieu a prescrit des bornes à votre cupidité. Que si ce que je vous dis maintenant, vous pique et vous offense, je dois bien plus m’offenser moi-même de voir toutes ces choses. Jusques à quand serez-vous riche, et celui-ci sera-t-il pauvre ? Jusqu’au soir : après, tout prendra une nouvelle face, tant la vie est courte. Déjà on est à la porte ; tout va arriver, encore une petite heure. À quoi bon ces greniers, cette abondante provision de toutes choses ; de quoi vous servira cette foule d’esclaves, de valets, d’officiers ? pourquoi ne vous faites-vous pas plutôt mille témoins de vos aumônes ? Votre trésor est muet, et il vous attirera bien des voleurs. Mais le trésor qui est répandu sur les pauvres monte jusqu’à Dieu, il rend la vie douce et agréable, il vous obtiendra la rémission de tous vos péchés, et vous couvrira de gloire devant Dieu, et d’honneur devant les hommes. Pourquoi vous privez-vous donc de si grands biens ? en donnant vous vous faites plus de bien à vous-même qu’aux pauvres. Vous leur donnez les biens périssables de cette vie, mais vous vous procurez la gloire future et la confiance. Dieu veuille que nous l’obtenions tous, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui la gloire et l’empire appartiennent dans tous les siècles ! Ainsi soit-il.