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dire : Nous avons perdu notre patrimoine, nous sommes abandonnés, dépouillés et privés de tout, il leur dit : Jetez vos regards sur moi, voyez : mon Père m’aime, et néanmoins je souffre maintenant tous ces maux et tous ces outrages ; ce n’est donc pas que je ne vous aime, si présentement je vous laisse ; car moi-même, que mes ennemis me fassent mourir, je ne le prends pas pour une marque que mon Père ne m’aime point ; vous donc aussi, vous ne devez pas vous troubler. Si vous demeurez dans mon amour, tous les maux de la vie-présente ne pourront nullement vous nuire, en ce qui concerne l’amour.
3. Puis donc que l’amour est quelque chose de grand et d’invincible : puisqu’il n’est pas un vain mot, montrons notre amour, faisons le paraître par nos œuvres. Jésus-Christ nous a réconciliés avec lui, lorsque nous étions ses ennemis : maintenant nous sommes ses amis, demeurons dans son amour : il a commencé le premier à nous aimer, aimons-le du moins après qu’il nous a tant aimés. Il ne nous aime pas pour son propre intérêt, il n’a besoin de rien, aimons-le au moins pour notre utilité et notre avantage. Lorsque nous étions ses ennemis, il nous a prévenus de son amour, aimons du moins cet ami qui nous donne tant de témoignages de sa tendresse. Mais, hélas ! nous faisons tout le contraire ! par nos rapines et par notre avarice, tous les jours nous sommes cause que Dieu est blasphémé.
Mais peut-être quelqu’un dira : quoi ! Tous les jours vous prêchez sur l’avarice. Hé, plût à Dieu que je puisse aussi prêcher contre elle toutes les nuits ! Plût à Dieu qu’il me fût permis de vous suivre et quand vous allez dans les places publiques, et quand vous vous mettez à table ! Plût à Dieu que vos femmes, que vos amis, que vos enfants, que vos serviteurs, que vos laboureurs, que vos voisins, que même ce pavé, ces pierres pussent tous rompre le silence, si notre mal pouvait recevoir de là quelque soulagement ! Cette maladie s’est répandue dans lotit le monde, et elle possède le cœur de tous les hommes : tant est grande la tyrannie des richesses !
Jésus-Christ nous a rachetés, et nous servons les richesses : c’est d’un autre maître que nous proclamons la suprématie, c’est à un autre maître que nous obéissons, soigneusement attentifs à tout ce qu’il nous commande : notre origine, les droits de la nature, de l’amitié, les lois, nous négligeons tout pour ce maître, et nous sacrifions tout à lui. Personne ne regarde le ciel, nul ne pense aux biens à venir. Mais, hélas ! le temps viendra que ces paroles et nos regrets seront inutiles ; car l’Écriture dit : « Qui est celui qui vous louera dans l’enfer ? » (Ps. 6,5) L’or est désirable, il nous procure de grandes délices et nous attire des honneurs, mais non point comme le ciel. Le riche, plusieurs le haïssent et l’ont en horreur : mais l’homme qui est orné de la vertu, tous l’honorent et le respectent.
Mais, direz-vous, on rit du pauvre, on le méprise, même vertueux ; mais ce n’est pas parmi les hommes que cela arrive, c’est parmi les brutes qui sont privées de raison ; c’est pourquoi il ne faut nullement s’en soucier. Si des ânes braient, si des geais croassent, lorsque tous les sages nous louent et nous applaudissent, nous ne perdrons point de vue un tel public pour nous inquiéter des cris de ces animaux. Or, tous ceux qui admirent et recherchent les biens de la vie présente, sont pires que des geais, pires que des ânes. Si un des rois d’ici-bas faisait votre éloge, sûrement vous ne vous mettriez point en peine de ce que dirait la multitude du peuple, encore qu’on rie de vous. Et lorsque le Maître de l’univers vous loue, vous recherchez encore les louanges des escargots et des moucherons. Car tels sont ces hommes, si vous les comparez avec Dieu, out plutôt ils sont encore plus vils et plus méprisables.
Jusques à quand demeurerons-nous couchés dans la boue ? Jusques à quand rechercherons-nous les éloges et les applaudissements des fainéants et des hommes sensuels ? Il est de leur ressort de se connaître en joueurs, en ivrognes, en goinfres : mais de la vertu et du vice ils n’en ont même pas la moindre connaissance ; c’est aussi de quoi ils ne sont nullement capables de juger. Et certes, si quelqu’un vous raillait de ne savoir point tracer des rigoles, vous ne, vous en offenseriez pas, ou plutôt vous le railleriez à votre tour de vous avoir reproché une pareille ignorance, et cependant lorsque vous voulez exercer la vertu, vous prenez pour arbitres et pour juges ces sortes de gens qui n’en ont aucune idée ? Voilà pourquoi nous n’atteignons point à la perfection de cet art. En effet, nous ne consultons pas les personnes habiles ; mais les ignorants, qui jugent de la vertu non selon les