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présents à l’esprit ceux qui allaient venir pour les enlever, et de plus, le discours qu’il leur tenait ne leur faisait prévoir que des maux et des souffrances : « Je n’ai plus qu’un peu de temps à être avec vous », leur disait-il, « et le prince de ce monde va venir ».
Toutes ces choses et ces paroles les jetant donc dans le trouble et dans l’effroi, comme s’ils allaient être pris sur-le-champ, leur Maître les conduisit en un autre lieu afin que, se croyant alors en sûreté, ils l’écoutassent avec plus d’assurance et de liberté d’esprit, car ils devaient entendre une grande et sublime doctrine. Voilà pourquoi il dit : « Levez-vous, sortons d’ici ». Il ajoute ensuite : « Je suis la vigne, vous êtes les branches ». Que veut nous faire entendre le Sauveur par cette parabole ? Que celui qui n’écoute point sa parole ne peut vivre, et que c’est par sa vertu et par sa puissance que s’opéreront les miracles et les prodiges qui doivent arriver. « Mon Père est le vigneron ». Quoi donc ? Le Fils a besoin du secours de son Père ? A Dieu ne plaise ! ce n’est point là ce qu’insinue cette parabole.
Remarquez, mes frères, avec quelle exactitude Jésus-Christ l’explique. Il ne dit pas que le vigneron a soin de la racine, mais des branches ; il ne fait point mention de la racine ; c’est pour apprendre à ses disciples que, séparés de lui, et sans sa vertu et son assistance, ils ne peuvent rien faire, et qu’ils doivent se joindre et s’unir à lui par la foi, de même que la branche est jointe, et unie à la vigne : « Le Père retranchera toutes les branches qui ne portent point de fruit en moi (2) ». Jésus-Christ parle ici de la vie, et déclare que nul ne peut demeurer en lui sans les œuvres. « Et il émondera toutes celles qui portent du fruit » ; en d’autres termes, il en aura grand soin.
Cependant la racine a besoin d’être cultivée avant les branches : le vigneron doit bêcher tout autour, et la découvrir un peu. Mais le Sauveur ne dit rien ici de la racine, il ne parle que des branches ; faisant voir que s’il se suffit à lui-même, ses disciples, de quelque vertu qu’ils soient doués, ont besoin que le vigneron prenne d’eux un grand soin. C’est pour cette raison qu’il dit : il émonde la branche qui porte du fruit. Celle qui n’en porte point ne peut même plus rester attachée à la vigne. Mais la branche qui porte du fruit, il la rend plus féconde. Ce qui doit s’entendre des afflictions qui devaient bientôt leur arriver. Ce mot : « Il l’émondera », signifie : il taillera la branche pour la rendre plus fertile. Il montre donc que les tentations raffermiront les disciples.
Ensuite, de peur qu’ils ne lui demandent de qui il parle, et aussi pour ne pas les jeter de nouveau dans le trouble et dans l’inquiétude, il dit : « Vous êtes déjà purs, à cause des instructions que je vous ai données (3) ». Ne voyez-vous pas, mes frères, que Jésus-Christ fait connaître que c’est lui qui prend soin des branches ? C’est moi, dit-il, qui vous ai émondés, quoiqu’il ait auparavant déclaré que le Père a fait la même chose. Mais la raison pour laquelle Jésus-Christ parle de la sorte, c’est qu’il n’y a aucune différence entre le Père et le Fils. Il faut ici, leur insinue-t-il, que vous apportiez vos soins.
Ensuite, pour leur faire connaître qu’il les a émondés, sans avoir eu besoin de leur ministère, et seulement en vue de leur avancement, il ajoute : « Comme la branche ne saurait porter du fruit d’elle-même, de même aussi celui qui ne demeure pas en moi n’en saurait porter ». De peur que la crainte n’éloigne ses disciples, le Sauveur fortifie leur âme que la frayeur a affaiblie, et il se l’attache étroitement ; il la relève par les bonnes espérances qu’il leur donne. Car, dit-il, la racine demeure, mais il dépend des branches d’être retranchées, ou laissées sur la tige. Poursuivant ensuite son discours à la fois par des choses consolantes et par des choses tristes, il commence par exiger notre concours : « Celui qui demeure en moi, et en qui je demeure, porte beaucoup de fruit (5) ». Ne voyez-vous pas que le Fils, ne contribue pas moins que le Père au soin et au salut dés disciples ? Le Père émonde, le Fils est la vigne qui contient les branches. Or, demeurer attaché à la racine, c’est ce qui fait que les branches portent du fruit. La branche qui n’est point émondée, demeurant attachée à la racine, porte du fruit, encore qu’elle, n’en produise pas autant qu’elle devrait : mais celle qui n’y demeure pas ne porte aucun fruit. D’ailleurs on a fait voir qu’il appartient également au Fils d’émonder, et au Père, qui a engendré la racine, de faire qu’on y reste attaché.