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vos crimes, et par vos fraudes et vos rapines vous faites qu’il s’en souvient toujours, mettant votre péché sur l’autel[1].
Mais ce n’est point là le seul péché que vous commettez ; ce qui est pire, c’est que vous souillez les âmes des saints[2]. L’autel est de pierre, et il est sanctifié : les âmes des saints portent continuellement Jésus-Christ, et vous ne craignez pas d’offrir des oblations si impures ? Nullement, direz-vous : ce n’est point de cet argent que je les offre, mais d’un autre. Excuse absurde et ridicule. Eh ! ne savez-vous pas encore que si une goutte d’injustice tombe sur une masse d’argent, elle la corrompt entièrement ? Comme, si l’on jette du fumier dans une fontaine d’eau pure, on gâte toute l’eau ; de même si, dans les richesses, il se mêle de la rapine, cette rapine les infecte totalement.
Quoi donc ? nous nous lavons les mains en entrant dans l’église, et nous ne purifions pas notre cœur ? Sont-ce les mains qui parlent, qui prononcent les cantiques de louanges ? c’est au cœur à proférer ces saintes paroles, c’est lui que Dieu regarde : s’il est souillé, la pureté du corps ne sert de rien. Quel fruit, quel avantage retirerons-nous de laver les mains du corps, si nous laissons dans l’impureté les mains de l’âme ? Voici ce qui est étonnant, et à quoi vous devez faire attention voici ce qui renverse tout, et met tout dans la confusion : c’est que, nous attachant scrupuleusement à faire avec soin les petites choses, nous négligeons les plus grandes. Prier, sans avoir lavé ses mains, certes, cela est indifférent : mais prier, sans avoir purifié sa conscience, c’est le plus horrible de tous les maux. Écoutez ce que dit le prophète aux Juifs, qui étaient fort soigneux de laver ces sortes de souillures corporelles : « Purifiez votre cœur « de sa corruption. Jusques à quand les pensées de vos travaux[3] demeureront-elles en vous ? » (Jer. 4,14) Purifions-nous ainsi nous-mêmes, non avec la boue, mais avec l’eau pure ; par l’aumône, non par l’avarice. Commencez par vous abstenir de toute rapine, et alors vous ferez l’aumône. « Détournons-nous du mal, et faisons le bien a. (Ps. 36,28) Retenez vos mains loin de la rapine, et ensuite étendez-les, ouvrez-les pour faire l’aumône. Mais si des mêmes mains avec lesquelles nous dépouillons les uns, nous revêtons les autres, quand bien même nous n’userions pas pour cela des biens que nous avons pillés, nous n’éviterons point pour cela le supplice. Car, de cette façon, la matière du sacrifice de propitiation[4] devient matière d’iniquité.
Sûrement il vaut mieux ne point faire d’œuvres de miséricorde, que de les faire de cette sorte. Il eût été plus avantageux à Caïn de ne rien offrir du tout. Or, si Caïn, pour avoir offert ce qu’il avait de moindre prix, a offensé Dieu, celui qui fait l’aumône du bien d’autrui, comment n’irritera-t-il pas sa colère ? Je vous ai défendu, dit le Seigneur, de ravir le bien d’autrui, et vous voulez m’honorer en m’offrant vos rapines ? Quels sentiments avez-vous de moi ? Croyez-vous que de pareilles offrandes me puissent être agréables ? Le Seigneur vous dira donc : « Vous avez cru, ô homme plein d’iniquité, que je vous serai semblable. Je vous reprendrai sévèrement, et je mettrai vos péchés devant vos yeux[5] ». (Ps. 49,22) Mais à Dieu ne plaise qu’aucun de vous entende une parole si terrible ? fasse plutôt le ciel, qu’après avoir distribué aux pauvres des aumônes pures et saintes, portant dans nos mains des lampes brillantes, nous entrions tous dans la chambre nuptiale, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient la gloire, dans tous les siècles l Ainsi soit-il.

  1. « Mettant votre péché sur l’autel », parce que l’offrande que vous nous présentez pour être mise sur l’autel, et offerte à Dieu, est une offrande de rapine et de péché : offrir de pareilles hosties, c’est offrir à Dieu son péché ; quel sacrilège, quelle abomination !
  2. C’est-à-dire : Vous souillez les reliques des saints, vous déshonorez les saints, dont les reliques sont sur l’autel.
  3. « De vos travaux ». C’est la leçon des Septante et de mon texte. Aquila dit : « De votre perte, de votre malheur ». Et saint Jérôme l’a suivi. Symmaque traduit : « De votre injustice », ce qui vient à notre Vulgate, qui dit : « Vos mauvaises pensées ».
  4. « De propitiation ». C’est-à-dire, du sacrifice que vous offrez pour vous rendre Dieu propice.
  5. « Je mettrai vos péchés devant vos yeux ». Saint Chrysostome, Théodoret, et plusieurs bibles grecques et latines, lisent de même. Saint Jérôme, sur Isaïe, dit : « J’exposerai devant vos yeux tous vos crimes ». La Vulgate : « Je vous exposerai vous-même devant votre face ».