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chair néanmoins en a tant d’horreur, que vous ne le pourrez faire, si Dieu ne vous assiste de son Saint-Esprit. La même pensée se retrouve encore exprimée plus loin. « Il s’en alla donc prier encore une seconde fois en disant : « Mon Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que votre volonté soit faite(42) ». Il fait voir, dans cette prière, combien il était attaché à la volonté de Dieu, et combien nous devions travailler à nous y rendre conformes. « Il retourna ensuite vers eux, et il les trouva dormant (43) ». Car, outre qu’ils étaient en pleine nuit, « leurs yeux étaient encore appesantis par la tristesse ». « Et les quittant, il s’en alla encore prier pour la troisième fois, usant des mêmes paroles (44)». Il prie par deux ou trois fois pour prouver qu’il était homme par cette triple prière ; car dans l’usage de l’Écriture, ces sortes de répétitions sont une marque de vérité. C’est ainsi que Joseph dit à Pharaon : « Pour cet autre second songe qui vous est apparu, ce n’est que pour vous confirmer la vérité du premier ». (Gen. 41,32) Dieu n’a permis cela qu’afin qu’il ne vous restât plus aucun doute. C’est pour cette raison que Jésus-Christ fait ici deux et trois fois la même prière, afin qu’on ne pût douter de la vérité de sa chair.
Mais pourquoi retourne-t-il encore la seconde fois à ses disciples ? Pour les reprendre de ce qu’ils étaient tellement plongés dans la tristesse qu’ils ne s’apercevaient même plus de sa présence. Il ne leur fait plus néanmoins de reproche, mais il se retire un peu ; montrant quelle était leur faiblesse, puisque même après la réprimande qu’il leur avait faite, ils n’en étaient pas plus vigilants. Et il est à remarquer qu’à la troisième fois il ne les réveille point, et qu’il ne les reprend plus, de peur de les troubler encore davantage : il se retire sans leur parler, et va prier encore, puis retournant à eux, il leur dit : « Dormez maintenant et reposez-vous (45) ». Quoiqu’ils eussent alors plus besoin de veiller que jamais, il leur commande néanmoins de dormir pour leur témoigner qu’ils n’avaient pas même la force d’envisager les maux, et qu’ils fuyaient aussitôt qu’ils en sentaient les approches. Il leur marque encore, en leur ordonnant de dormir alors, qu’il n’avait aucun besoin de leurs secours, pour se délivrer des Juifs, et que de toute nécessité il devait être livré.
« Dormez maintenant et reposez-vous. Voici l’heure qui est proche, et le Fils de l’homme va être livré entre les mains des pécheurs ». Il montre encore par ces paroles qu’il ne lui arrivait rien dans cette rencontre que par une conduite admirable de sa sagesse. Car en disant « qu’il sera livré entre les mains des pécheurs », il montre que sa mort n’était que l’effet de leurs crimes ; et qu’ainsi c’était son Père même qui l’abandonnait à la fureur des méchants, quoiqu’il fût l’innocence même.
2. « Levez-vous, allons : Celui qui me doit trahir est bien près d’ici (46) ». Toutes ses paroles ne tendent qu’à faire comprendre à ses disciples que sa passion, sa croix et sa mort ne seraient point un effet de sa faiblesse ou de quelque nécessité dont il ne se pouvait dispenser s’il l’eût voulu ; mais seulement l’accomplissement d’un ordre établi de son Père par une providence admirable et auquel il s’était volontairement soumis. Car sachant que celui qui le devait trahir était proche, non seulement il ne fuit pas, mais il va même au-devant de lui. « Il parlait encore, lorsque Judas, un des douze, arriva, et avec lui une grande troupe de gens armés d’épées et de bâtons, qui avaient été envoyés par les princes des prêtres, et par les sénateurs du peuple juif (47) ». Les honorables instruments pour des prêtres ! vous l’entendez, ils viennent avec des épées et des bâtons. Et avec eux, dit l’Évangéliste, se trouvait Judas, l’un des douze. Il l’appelle encore une fois l’un des douze, la honte ne peut l’empêcher de l’appeler ainsi.
« Or, celui qui le trahissait leur avait donné ce signal. Celui que je baiserai est celui que vous cherchez : Saisissez-vous-en (48) ». Considérez, mes frères, combien ce disciple devait avoir l’âme noire et corrompue pour agir de la sorte. De quels yeux put-il alors regarder son maître ? ou de quelle bouche l’osa-t-il baiser ? Disciples malheureux, quels sont vos desseins ? quelles sont vos pensées ? qu’osez-vous entreprendre ? Et, quel signal donnez-vous pour livrer votre maître ? « Or, celui qui le trahit leur avait donné ce signal : Celui que « je baiserai », dit – il, « est celui que vous cherchez : Saisissez-vous-en (48). Aussitôt, venant à Jésus, il lui dit : Je vous salue, mon maître, et il le baisa (49) ». Il se fiait en la douceur de Jésus-Christ, et il prenait pour marque de sa trahison un signal qui suffisait lui