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prospérité d’autrui a stimulé jusqu’à l’indifférence. Voyant que d’autres ont eu de magnifiques maisons, de vastes domaines ; des troupes de valets, des vases d’argent, des armoires pleines d’habits, on n’épargne rien pour les surpasser ; de sorte que les premiers venus irritent la cupidité des seconds, et ainsi de suite. Mais, si les premiers avaient voulu vivre dans la modération et dans la frugalité, ils n’auraient pas servi de maîtres et de modèles à ceux qui. sont venus après eux. Toutefois, ceux qui les suivent, et qui imitent leur luxe, ne sont pas pour cela excusables, ils ont d’autres modèles ; il se trouvé encore des gens qui méprisent les richesses. Et qui est-ce qui, les méprise ? direz-vous. Effectivement, ce qui est le plus fâcheux, c’est que ce vice a tant de force et d’empire qu’il semble invincible : on croit que tout est soumis à ses lois, et qu’il n’est personne qui suie la vertu contraire, je veux dire la modération, la tempérance. Je pourrais néanmoins en compter plusieurs, et dans les villes et sur les montagnes : mais de quoi cela vous servirait-il ? Vous ne changeriez point, vous n’en deviendriez pas meilleurs. De plus je ne me suis pas proposé de traiter aujourd’hui cette matière, et je ne dis pas qu’il faille répandre ses richesses et s’en dépouiller. Je le voudrais pourtant bien, mais parce que cela paraît trop difficile, je ne vous y obligerai pas. Seulement je vous exhorte à ne point désirer le bien d’autrui, et à faire part aux pauvres des biens, que vous possédez.
Au reste, quand nous voudrons faire cette recherche, nous trouverons bien des gens qui ce contentent de ce qu’ils ont, qui ont soin de leur bien, et qui vivent d’un honnête travail. Pourquoi ne les imitons-nous pas, et ne suivons-nous pas leur exemple ? Rappelons dans notre mémoire ceux qui ont été avant nous. Leurs terres, leurs héritages, ne subsistent-ils pas, seuls monuments qui rappellent encore leurs noms ? Voilà, disons-nous, les bains d’un tel, voilà sa maison de campagne, son lieu de plaisance : aussitôt que nous voyons ces objets, ne poussons-nous pas quelques gémissements en nous représentant les soins et lés peines qu’il s’est données, les rapines et les vols, dont il s’est rendu coupable ? Mais cet homme à disparu d’ici-bas ; d’autres à qui il n’aurait jamais pensé, et peut-être même ses ennemis ; jouissent de ses biens pendant qu’il souffre les plus cruels tourments : Un même sort nous attend : nous mourrons indubitablement, et nous aurons tous une même fin. Dites-moi, je vous prie, ces riches auxquels vous pensez maintenant ; lorsqu’ils étaient sur la terré, quelles haines ne se sont-ils pas attirées, quelles dépenses n’ont-ils pas faites, combien de, querelles et d’inimitiés n’ont-ils pas essuyées ? Et quel fruit leur en revient-il ? Un supplice éternel, nul espoir de consolation, des reproches de tout le monde, non seulement pendant leur vie, mais maintenant encore après leur mort.
Enfin, lorsque vous voyez dans les maisons les portraits de ces hommes opulents, quels sont, vos sentiments et vos pensées ? Admirons-nous, ou plutôt ne versons-nous pas des larmes ? Le prophète, a bien eu raison de le dire : « C’est en vain que se trouble et s’inquiète tout homme qui vit (Ps. 38,9) » sur la terre : car le soin des choses de ce monde est véritablement un trouble et une inquiétude vaine et inutile, mais il en sera tout autrement dans les demeures et les tabernacles éternels. Ici l’un a travaillé, et l’autre jouit du fruit de son travail : mais là-haut chacun jouira de ses peines et de ses travaux, et en recevra une ample récompense. Faisons donc tous nos efforts, et n’épargnons rien pour acquérir cet héritage : préparons-nous-y des maisons ; afin que nous nous reposions avec Jésus-Christ Notre-Seigneur, à qui appartient la gloire, et au Père et du Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.