Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/418

Cette page n’a pas encore été corrigée

vous, vous passez sur toutes ces considérations ; vous appelez vos servantes, vous les excitez à pleurer, comme pour honorer davantage le mort, et c’est là une honte et une extrême infamie. L’honneur que vous lui devez rendre ne consiste pas à verser des larmes, à pousser des gémissements et des cris, mais à chanter des hymnes et des psaumes ; mais à mener vous-mêmes une vie très-pure et très-sainte. Le juste qui est sorti de ce monde, encore que personne n’assiste à ses funérailles, demeurera avec les anges ; mais le pécheur qui est mort dans son péché, eût-il toute la ville à son convoi, n’en tirera aucun profit.
Voulez-vous honorer les morts ? faites tout autrement que vous n’avez accoutumé de faire ; répandez des aumônes, faites de bonnes œuvres, des oblations, offrez le saint sacrifice de nos autels[1]. A quoi bon tant de pleurs ? J’ai appris encore une chose bien triste : c’est que par ces torrents de larmes beaucoup de femmes cherchent à s’attirer des amants, comptant sur ce grand deuil et la violente douleur qu’elles font éclater pour se procurer la réputation d’aimer passionnément leurs maris. O invention diabolique ! O artifice de Satan ! Jusques à quand serons-nous terre et cendre, et jusques à quand serons-nous chair et sang ? Levons les yeux au ciel, ayons des sentiments spirituels. Quels reproches, quelles remontrances ferons-nous encore aux gentils ? Comment oserons-nous leur enseigner la résurrection, leur parler des vertus chrétiennes ? Y a-t-il de la sûreté dans une vie si dérangée Ignorez-vous que la tristesse cause la mort ? La douleur aveuglant l’esprit, non seulement ne permet pas de voir les choses comme il faut, mais elle produit de grands maux. Par ces excès, nous offensons Dieu et nous ne faisons aucun bien ni aux morts ni à nous-mêmes ; mais, par la modération, nous nous rendons agréables à Dieu, et les hommes nous comblent de louanges si nous ne nous laissons point abattre par la douleur, nous sommes promptement délivrés de ce qui nous en reste par le Seigneur. Mais si nous nous y abandonnons, il nous laisse en quelque sorte en son pouvoir. Si nous rendons grâces au Seigneur, nous ne perdrons point courage.
Et comment, direz-vous, celui qui a perdu son fils, ou sa fille, ou sa femme, peut-il s’empêcher de pleurer ? Je ne dis point qu’il ne faut pas pleurer, mais je dis qu’il ne faut pas pleurer avec excès. En effet, si nous pensons que c’est Dieu qui a pris celui que nous avons perdu, et que notre mari, notre fils, était né mortel, nous nous consolerons bientôt. Que ceux-là donc s’affligent, qui désirent une chose qui est au-dessus de la nature. L’homme est né pour mourir, pourquoi vous affliger de ce qui arrive par l’ordre de la nature ? Vous plaignez-vous de manger pour vous conserver ! a vie ? Voulez-vous vivre sans manger ? Faites de même à l’égard de la mort : vous êtes né mortel (Héb. 9,27), ne demandez point à être immortel ici-bas. Il est arrêté que les hommes meurent une fois. Ainsi donc ne vous attristez point, ne vous tourmentez point, mais souffrez une loi qui est fixe et invariable pour tous les hommes. Pleurons nos péchés, voilà un deuil salutaire, voilà un acte de vraie philosophie. Ne cessons donc jamais de les pleurera afin qu’en l’autre vie nous puissions jouir de la joie et du repos éternels, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient la gloire, dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

  1. C-à-d par les mains des ministres de l’Église.