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que cette femme et ceux qui se trouvaient là présents avec elle connussent ce mystère c’est pour cela qu’avant de ressusciter Lazare il fait un discours. Que si Jésus-Christ est la résurrection et la vie, sa puissance n’est point circonscrite dans un lieu : partout et en quelque endroit qu’il soit, il peut ressusciter, il peut donner la vie. Encore, si ces femmes avaient dit, comme le centenier : « Dites une parole, et mon serviteur sera guéri » (Mt. 8,8) ; sans doute le Sauveur aurait aussitôt ressuscité leur frère. Mais comme elles l’avaient envoyé chercher et prié de venir, il vint en effet, mais pour les tirer de la basse opinion qu’elles avaient de lui : et il se rendit au lieu où on avait mis Lazare ; mais en même temps qu’il condescend à leur faiblesse, il fait voir qu’il peut guérir et ressusciter, quoique absent et très-éloigné ; voilà pourquoi il diffère, il retarde l’exécution du miracle. Une grâce obtenue sur-le-champ fût demeurée ensevelie dans le silence : il fallait que la corruption du cadavre fît des progrès.
Mais cette femme, d’où pouvait-elle savoir que Jésus ressusciterait son frère ? Elle lui avait ouï dire bien des choses sur la résurrection ; mais c’est depuis peu qu’elle désirait en voir l’effet. Remarquez-le, elle a encore des sentiments bien bas et bien terrestres. Jésus lui ayant dit : « Je suis la résurrection et la vie », elle ne répondit pas : Ressuscitez mon frère ; mais que répond-elle ? « Je crois que vous êtes le Christ, le Fils de Dieu ». Que lui réplique donc Jésus-Christ ? « Quiconque croit en moi, quand il serait mort, vivra » c’est-à-dire, s’il est mort de la mort du corps. « Et quiconque vit et croit en moi, ne mourra point (26) » ; savoir, de la mort de l’âme. Puis donc que je suis la résurrection, si votre frère est maintenant mort, n’en soyez point inquiète, ne vous troublez point, mais croyez « en moi ». Car la mort du corps n’est point une mort. Par ces discours le Sauveur console Marthe de la mort de son frère : il lui donne aussi une bonne espérance, et en lui promettant que son frère ressuscitera, et en disant hautement : « Je suis la résurrection », et encore, en assurant que si, après être ressuscité, il meurt une seconde fois, il n’en souffrira aucun dommage. C’est pourquoi la mort d’ici-bas n’est point à craindre ; en d’autres termes, votre frère n’est point mort, et vous aussi vous ne mourrez point : « Croyez-vous cela ? Elle répondit : je crois que vous êtes le Christ, « le Fils de Dieu, qui êtes venu en ce monde ». Il paraît bien que cette femme n’a pas compris ce que lui disait Jésus-Christ. A la vérité, elle sentit que c’était quelque chose de grand, mais elle ne comprit pas tout : c’est pour cela qu’interrogée sur une chose, elle répond sur une autre : mais cependant elle eut cet avantage, que son affliction se dissipa entièrement. Telle est en effet la vertu de la parole de Jésus-Christ. Ainsi l’une des sœurs avait pris les devants, l’autre la suivit. L’amour dont elles étaient animées pour leur Maître ne leur permettait pas de ressentir vivement leur infortune : l’influence de la grâce communiquait la sagesse au cœur même de ces femmes.
4. Mais aujourd’hui, entre autres défauts, les femmes sont possédées d’étranges maladies dans le deuil et dans les calamités elles font une vaine montre de leur affliction, elles découvrent leurs bras, elles s’arrachent les cheveux, elles se déchirent les joues ; les unes par douleur, les autres par ostentation : d’autres découvrent leurs bras par impudicité en présence des hommes. O femme, que faites-vous ? Vous vous dépouillez honteusement au milieu de la place publique, vous qui êtes un membre de Jésus-Christ ; sur la place publique, dis-je, et devant des hommes ? Vous arrachez vos cheveux, vous déchirez vos vêtements, vous jetez de grands cris, vous imitez les danses des Ménades[1], et vous ne croyez pas offenser Dieu ? Quelle extravagance et quelle folie ! Les païens n’en riront-ils pas ? Ne diront-ils pas que notre religion, que notre doctrine n’est qu’un conte et qu’une fable ? Oui, sans doute ; ils diront : il n’y a point de résurrection ; mais les dogmes chrétiens sont ridicules, ils ne sont que mensonges et qu’illusions. Car parmi eux les femmes, comme s’il ne restait plus rien après cette vie, ne font nulle attention à leurs Écritures : leurs Écritures et tout ce qu’ils enseignent ne sont que de pures fictions, comme le prouve la conduite de ces femmes. En effet, si elles croyaient que celui qui est mort, n’est point véritablement mort, mais qu’il est passé à une meilleure vie, elles ne pleureraient pas comme s’il n’était plus ; elles ne s’affligeraient point tant, elles ne prononceraient pas de ces sortes de paroles, qui

  1. Ménade, bacchante, femme en fureur qui, chez les païens, célébrait les fêtes de Bacchus. On appelle aussi Ménade, une femme emportée et furieuse, qui ne garde aucune mesure, etc.