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aussi, nous, pour mourir avec lui (16) », car il était plus faible et plus incrédule que les autres apôtres. Mais faites attention à la manière dont Jésus-Christ les fortifie par ces paroles : « N’y a-t-il pas douze heures au jour (9) ? » Il fit cette réponse, ou pour montrer que celui qui ne se sent coupable d’aucun péché, ne doit rien craindre ; mais que celui qui a fait le mal, sera puni (de sorte que nous n’avons rien à craindre, nous qui n’avons rien fait qui mérite la mort) ; ou bien voici ce qu’a voulu dire Jésus-Christ : Celui qui voit la lumière de ce monde est en sûreté : or, s’il est en sûreté, celui qui est avec moi, s’il ne me quitte, pas, l’est beaucoup plus. Il les rassura par ces paroles, et leur fit connaître la raison pour laquelle il fallait faire ce voyage. Et leur ayant ensuite déclaré qu’ils n’iraient point à Jérusalem, Mais à Béthanie, il dit : « Notre ami Lazare dort, mais je m’en vais l’éveiller (11) » ; c’est-à-dire, je ne vais point disputer et combattre une seconde fois avec les Juifs, mais je vais éveiller notre ami. « Ses disciples lui répondirent : Seigneur, s’il dort, il sera guéri (12) ». Ils avaient leur intention en lui faisant cette réponse, c’était de le dissuader d’y aller. Vous dites, répondirent-ils, qu’il, dort ? Rien ne vous oblige donc d’aller là. Toutefois Jésus-Christ n’avait dit : « Notre ami », que pour faire voir la nécessité de ce voyage.
2. Mais comme ils montraient peu de bonne volonté, il leur dit enfin : « Lazare est mort (4) ». Le Sauveur avait donc dit d’abord par modestie, et pour qu’il ne parût ni faste, ni ostentation dans ce qu’il allait faire : « Notre ami Lazare dort », mais comme ils ne le comprenaient pas, il ajoute : « Lazare est mort, et je me réjouis à cause de vous (15) ». Pourquoi à cause de vous ? Parce qu’en étant éloigné, je vous l’ai prédit : ainsi, lorsque je le ressusciterai, vous ne pourrez nullement douter de la vérité du miracle. Le remarquez-vous, mes frères, combien les disciples étaient encore faibles et imparfaits, et comment ils n’avaient pas de la vertu et de la puissance de leur Maître cette juste opinion qu’ils en devaient avoir ? Tel est l’effet que produisait en eux la crainte qui avait troublé leur esprit. Jésus, après avoir dit : « Lazare dort », avait ajouté : « Je m’en vais l’éveiller » ; mais lorsqu’il eut dit : « Lazare est mort », il n’a point alors ajouté : Je m’en vais le ressusciter, parce qu’il ne voulait pas annoncer d’avance par ses paroles ce qu’il allait opérer, et ce qu’il ne devait faire voir que par l’action même : ainsi le Sauveur nous apprend continuellement qu’il faut fuir la vaine gloire, et ne rien promettre témérairement. Que s’il promit à la prière du centenier, car il dit : « J’irai, et je le guérirai » (Mt. 8,7) : il le fit pour montrer la foi de cet homme.
Mais si quelqu’un dit : Pourquoi les disciples pensaient-ils que c’était là un sommeil, pourquoi ne connurent-ils pas que Lazare était mort, lorsque Jésus disait : J’irai, et je le guérirai ; en effet, il y avait de la folie de croire que leur Maître ferait quinze stades pour aller éveiller Lazare ? je répondrai qu’ils crurent que c’était là une énigme, une parabole, comme bien d’autres choses qu’il disait. Les disciples craignaient donc la violence des Juifs, et Thomas la craignait plus que tous les autres, c’est pourquoi il dit : « Allons aussi mourir avec lui (16) ». Quelques-uns ont dit qu’il avait véritablement souhaité de mourir, mais ils se sont trompés : c’est sûrement la crainte qui faisait parler Thomas de la sorte. Jésus néanmoins ne le reprit pas, car il tolérait encore sa faiblesse. D’ailleurs, Thomas devint dans la suite invincible et le plus fort des apôtres. Et, ce qui est digne d’admiration, cet homme, que nous avons vu si faible avant la croix, avant la mort et la résurrection de son Maître, nous le voyons, après, le plus ardent de tous : tant est grande la vertu de Jésus-Christ ! Car celui-là même qui n’osait pas aller à Béthanie avec son Maître, a parcouru dans la suite presque tout le monde, quoique Jésus-Christ ne fût point présent, et a demeuré parmi des peuples barbares et sanguinaires, qui n’en voulaient qu’à sa vie.
Mais si Béthanie n’était éloignée que de quinze stades, qui font deux milles, comment, lorsque Jésus y arriva, y avait-il déjà quatre jours que Lazare était mort ? L’envoyé l’était venu avertir la veille du jour même que Lazare mourut ; mais le Sauveur demeura deux jours où il était : ainsi il n’arriva à Béthanie que le quatrième jour. S’il attendit qu’on vînt l’appeler, et ne partit point qu’on ne le fût venu chercher, ce fut de peur qu’il ne s’élevât quelque soupçon sur le miracle. Et celles qui étaient aimées ne vinrent point elles-mêmes, mais se contentèrent d’envoyer.