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seule parole. On voit de même que, lorsqu’une voix du ciel lui eut dit : « N’appelez plus impur ce que Dieu a purifié » (Act. 10), il lui céda aussitôt, quoiqu’il n’en comprît pas encore bien le mystère. Ce fut cette chute dont nous parlons ici qui fut comme le principe et la source de son humilité dans toute la suite de sa vie. Jusque-là, c’était à ses propres forces qu’il attribuait tout ce qu’il était, comme lorsqu’il disait : « Quand tous les autres seraient scandalisés en vous, moi je ne le serais jamais. Quand il me faudrait mourir avec vous, je ne vous renoncerai point ». Au lieu qu’il devait prier le Sauveur de l’assister de sa grâce, et reconnaître que sans son secours il ne pourrait rien. On voit après qu’il agit d’une manière toute contraire : « Pourquoi nous regardez-vous », dit-il, « comme si nous avions fait marcher cet homme par notre propre force, et par notre propre puissance » ? (Act. 3)
4. Nous apprenons par là cette grande vérité, que la bonne volonté de l’homme ne lui suffit pas pour le bien, si elle n’est soutenue et animée par le secours de la grâce ; et que, de même, ce secours du ciel ne nous peut servir de rien, lorsque la bonne volonté nous manque. Judas et saint Pierre sont deux preuves de l’une et de l’autre de ces vérités. Le premier ayant reçu tant de secours de Jésus-Christ n’en a tiré aucun avantage, parce qu’il n’a pas voulu s’en servir et y correspondre ; et saint Pierre, au contraire, quoiqu’il eût cette bonne volonté, tomba néanmoins parce qu’il n’avait point ce secours. Toute la vertu est établie sur ces deux principes.
C’est pourquoi je vous conjure, mes frères, de ne point tellement rejeter tout sur Dieu, que vous demeuriez dans l’assoupissement et dans la langueur ; et de ne point croire non plus en travaillant avec ardeur, que tout dépende de votre travail. Dieu ne veut point que nous soyons lâches, ainsi il demande que nous travaillions : il ne veut point non plus que nous soyons superbes ; c’est pourquoi il ne veut pas que tout dépende de notre travail. Ainsi il sépare de ces deux choses ce qui nous nuirait, et il en laisse ce qui peut nous être utile. C’est pour cette raison qu’il a laissé tomber le prince des apôtres, afin de se servir de sa chute pour le rendre plus humble et plus ardent dans son amour : « Car celui à qui on pardonne plus, aime davantage ».
Croyons donc toujours à ce que Dieu dit, et ne lui résistons jamais, quoique notre esprit, notre jugement ait peine à se rendre à ce qu’il nous dit, et que sa parole soit au-dessus de notre sens et de foutes nos lumières. Faisons en toutes ces rencontres ce que nous faisons dans nos mystères sacrés. Ne regardons pas seulement ce qui se présente à nos yeux, mais attachons-nous surtout à la parole qu’il a dite. Nos sens nous peuvent, tromper ; mais sa parole ne le peut jamais. Notre vue est aisément séduite, et tombe souvent dans l’erreur ; mais la parole et la vérité de Dieu ne peuvent errer.
Puisque le Verbe a dit : « Ceci est mon corps », soyons persuadés de la vérité de ses paroles, soumettons-y notre croyance, regardons-le dans ce Sacrement avec les yeux de l’esprit. Car Jésus-Christ ne nous y arien donné de sensible, mais ce qu’il nous y a donné sous des objets sensibles, est élevé au-dessus des sens, et ne se voit que par l’esprit. Il en est ainsi dans le baptême, où, par l’entremise d’une chose terrestre et sensible qui est l’eau, nous recevons un don spirituel, savoir : la régénération et le renouvellement de nos âmes. Si vous n’aviez point de corps, il n’y aurait rien de corporel dans les dons que Dieu vous fait : mais parce que votre âme est jointe à un corps, il vous communique des dons spirituels sous des choses sensibles et corporelles.
Combien y en a-t-il maintenant qui disent : Je voudrais bien voir Notre-Seigneur revêtu de ce même corps dans lequel il a vécu sur la terre. Je serais ravi de voir son visage, toute la figure de son corps, ses habits et jusqu’à sa chaussure. Et moi je vous dis que c’est lui-même que vous voyez ; que c’est lui-même que vous touchez, que c’est lui-même que vous mangez. Vous désirez de voir ses habits, et le voici lui-même qui vous permet, non seulement de le voir, mais encore de le toucher, de le manger, et de le recevoir au dedans de vous.
Mais que personne ne s’approche de cette table sacrée avec dégoût, avec négligence, et avec froideur. Que tous s’en approchent avec avidité, avec ferveur et avec amour. Car puisque les Juifs, en mangeant l’Agneau Pascal, avaient accoutumé de se tenir debout, d’être chaussés, d’avoir un bâton à la main, et de manger en diligence ; avec combien plus d’ardeur et d’activité devez-vous manger le divin