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une puissance égale à celle de mon Père. Au contraire, lors même qu’ils sont le plus en fureur et le plus animés contre lui, il confirme ce sentiment et le prouve. Il ne se justifie pas d’avoir mal parlé, ni d’avoir dit une chose fausse ; au contraire, il les reprend de ce qu’ils n’ont pas de lui la juste opinion qu’ils en doivent avoir. Car, comme ils disaient : « Ce n’est pas pour aucune bonne œuvre que nous vous lapidons, mais à cause de votre blasphème, et parce qu’étant homme, vous vous faites Dieu (33) » ; Jésus leur repartit, écoutez-le bien : « Si l’Écriture appelle Dieux ceux à qui la parole de Dieu était adressée (35), pourquoi dites-vous que je blasphème, parce, que j’ai dit que je suis Fils de Dieu (36) ? » C’est-à-dire, si l’on ne blâme pas de se dire, Dieux, ceux qui, par grâce, ont reçu ce titre, de quel droit et pour quelle raison me faites-vous un crime de me dire Dieu, à moi qui suis Dieu par ma nature ? Mais le Sauveur n’a point parlé ainsi, c’est plus tard qu’il établit ce point, après avoir préalablement modéré et atténué sort langage, en disant. « Moi que mon Père a sanctifié et envoyé » c’est après avoir apaisé leur fureur, qu’il en vient à une affirmation expresse : mais en attendant, afin qu’ils écoutassent et crussent ce qu’il disait, il a parlé plus simplement et plus grossièrement ; c’est plus tard qu’il élève leur esprit à des idées plus hautes et plus sublimes, en leur disant : « Si je ne fais pas « les œuvres de mon Père, ne me croyez pas (31). Mais si je les fais, quand vous ne me voudriez pas croire, croyez à mes œuvres (38) ». Faites-vous bien attention à la manière dont Jésus-Christ prouve, comme j’ai dit, qu’il n’est en rien moins grand que le Père, et qu’il lui est tout à fait égal ? Comme on ne pouvait pas voir sa substance, il démontre et manifeste son égalité de puissance par l’égalité et « l’identité » de ses œuvres.

3. Mais, je vous prie, que croirons-nous ? « Nous croirons ce que dit Jésus-Christ : Je suis dans mon Père, et mon Père est en moi (38) ». Car, dit-il, je ne suis rien autre chose, sinon ce qu’est le Père, tout en demeurant Fils ; et le Père n’est rien autre chose, sinon ce qu’est le Fils, tout en demeurant Père. Et celui qui me connaît, connaît aussi le Père, et il sait ce qu’est le Fils. Que si la puissance du Fils était moins grande, nous ne connaîtrions par lui le Père que d’une manière trompeuse ; car, soit puissance, soit substance, on ne peut pas connaître une chose par une autre. « Les Juifs tâchèrent alors de le prendre, mais il s’échappa de leurs mains (39), et s’en alla au-delà du Jourdain, au lieu même où Jean d’abord avait baptisé (40). Plusieurs vinrent l’y trouver, et ils disaient : Jean n’a fait aucun miracle (41). Et tout ce que Jean a dit de celui-ci s’est trouvé véritable (42) ». C’est la coutume de Jésus-Christ de se retirer aussitôt après qu’il a dit quelque chose d’élevé et de sublime : cédant à la fureur des Juifs, pour l’apaiser et l’étouffer par son absence. C’est ce qu’il fait encore dans cette occasion.

Mais pourquoi l’évangéliste marque-t-il le lieu où alla Jésus-Christ ? C’est afin de vous apprendre qu’il fut en cet endroit pour rappeler aux Juifs la mémoire de ce que Jean avait fait, de ce qu’il avait dit, du témoignage qu’il avait rendu. Ils se souvinrent donc de Jean aussitôt qu’ils furent arrivés en ce lied ; c’est pourquoi ils disent : « Jean n’a fait « aucun miracle ». Autrement, de quoi aurait-il servi de rapporter cette circonstance ? C’est donc parce que le lieu les fit souvenir de Jean-Baptiste et de son témoignage, que l’évangéliste la rapporte. Au reste, il est à remarquer que leur raisonnement est juste et très vrai. Jean, disent-ils, n’a fait aucun miracle : celui-ci en fait, donc en cela même, se montre visiblement là supériorité de celui-ci, et son excellence au-dessus de l’autre. Si donc nous avons cru celui qui ne faisait aucun miracle, à plus forte raison devons-nous croire celui-ci ? Ensuite, comme Jean qui avait rendu témoignage ; n’avait point fait de miracles, de peur que pour cela seul on ne le regardât comme indigne de rendre témoignage, ils ajoutent : quoique Jean n’ait point fait de miracles, néanmoins tout ce qu’il a dit de Jésus-Christ s’est trouvé véritable. De sorte que ce n’est plus Jésus-Christ qui est jugé digne de foi sur le témoignage de Jean ; c’est Jean dont les œuvres de Jésus-Christ établissent la véracité.

« Il y en eut beaucoup qui crurent en lui (42) ». Plusieurs choses les attiraient : le souvenir des paroles de Jean-Baptiste, de ce qu’il avait dit de Jésus qu’il était plus grand et plus puissant que lui ; qu’il était la lumière, la vie, la vérité, et le reste ; comme aussi le souvenir de la voix qui s’était fait entendre du haut du ciel, du Saint-Esprit qui s’était montré