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j’ai faite ? Et vous ne comprenez pas qu’il n’est rien dont on doive être plus avare que du temps. Votre argent, si vous l’avez dépensé, vous pourrez en regagner. Mais le temps que vous avez perdu, difficilement vous le recouvrerez. Car le temps qui nous est donné en cette vie est bien court : si nous n’en faisons pas un bon usage, que dirons-nous à notre Juge lorsqu’il viendra ?
Répondez-moi, je vous prie : Si vous ordonniez à un de vos enfants d’apprendre un certain art, et qu’il perdît son temps ou à la maison ou ailleurs, le maître ne vous avertirait-il pas ? ne vous dirait-il pas : Vous avez fait avec moi un marché par écrit, et vous avez fixé un temps ; mais si votre fils ne veut pas travailler avec moi et m’écouter, s’il veut au contraire aller perdre le temps de côté et d’autre, comment pourrai-je vous le présenter comme mon disciple ? Nous aussi, nous sommes dans l’obligation de vous dire la même chose ; Dieu nous dira : Je vous ai assigné un temps pour apprendre l’art de la piété, pourquoi avez-vous vainement et inutilement consumé ce temps ? pourquoi n’avez-vous pas été assidûment écouter votre maître ? pourquoi n’avez-vous pas été attentifs à ses instructions ? Que la piété soit un art, n’en doutez point, un prophète vous le déclare : « Venez, mes enfants », vous dit-il, « écoutez-moi : je vous enseignerai la crainte du Seigneur ». (Ps. 33,11) Et encore : « Heureux est l’homme que vous avez vous-même instruit, Seigneur, et à qui vous c avez enseigné votre loi ! » (Ps. 93,12) Lors donc que vous aurez inutilement employé le temps, quelle, excuse aurez-vous ? Et pourquoi, direz-vous, Dieu a-t-il fixé un temps si court ? O folie ! ô cœur ingrat ! Quoi ! Dieu a abrégé le temps de votre travail et de vos sueurs, il vous a préparé un repos éternel et immortel, et vous lui en faites un reproche, et vous en êtes fâché !
Mais je ne sais comment nous nous arrêtons si longtemps sur cette matière. Finissons donc ce long discours : car c’est encore une de nos misères qu’un long discours nous ennuie et nous dégoûte, et que la longueur du spectacle, qui commence à midi et ne finit qu’aux flambeaux, ne fatigue personne. Enfin, pour n’être pas toujours à vous faire des reproches, nous vous prions et vous conjurons, mes chers frères, de nous accorder une grâce et à vous et à moi ; c’est de laisser là toutes ces choses, pour vous appliquer uniquement aux vérités que nous vous enseignons. Si vous le faites, si vous nous l’accordez, cette grâce que nous vous demandons avec tant d’instance, ce sera pour moi une source de joie, de plaisir, de gloire. Mais ce sera vous qui, sans parler du gré que vous me saurez, recueillerez toute la récompense si, ayant été attachés au théâtre jusqu’à la fureur, vous vous délivrez de cette maladie, grâce à la crainte de Dieu et à nos instructions ; si, ayant brisé vos liens, vous courez à Dieu de toutes vos forcés. Et non seulement vous en recevrez là-haut ta récompense ; mais ici encore vous en sentirez une véritable joie. Car la vertu, a cet avantage, qu’outre ces couronnes immortelles, elle nous procure aussi en ce monde une vie douce et agréable. Obéissons donc à la parole de Dieu, afin d’obtenir ces biens et ceux de la vie future, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec lequel gloire soit agi Père et au Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.