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puisse faire de si grandes choses : de sorte qu’il est tout à fait visible que c’est un Dieu qui n’a même pas besoin du moindre secours humain. « Or, nous savons que Dieu n’exauce point les pécheurs (31) ». Les Juifs ayant dit auparavant : « Comment un méchant homme pourrait-il faire de tels prodiges (16) ? » L’aveugle s’appuie sur le jugement qu’ils ont porté eux-mêmes, et leur rappelle leurs propres paroles. Cette créance, dit-il, nous est commune et à vous et à moi : elle est juste, demeurez-y. Remarquez bien sa prudence ; il a toujours le miracle à la bouche, parce qu’ils ne pouvaient pas le nier ; et c’est sur quoi il établit son raisonnement. Observez-vous, mon cher auditeur, qu’au commencement, quand il a dit : « Si c’est un pécheur, je n’en sais rien », il ne l’a point dit pour marquer un doute réel ? Loin de nous cette pensée ; car il savait fort bien que Jésus n’était pas un pécheur.
Maintenant que le temps est propice et qu’il peut parler librement, voyez de quelle manière il répond : « Or, nous savons que Dieu n’exauce point les pécheurs ; mais si quelqu’un l’honore, et qu’il fasse sa volonté, c’est celui-là qu’il exauce ». Par ces paroles, non seulement il justifie Jésus, et le fait voir exempt de tout péché, mais il prouve encore qu’il est agréable à Dieu, et qu’il fait les œuvres de Dieu. Comme les Juifs disaient qu’ils honoraient Dieu, c’est pour cela même qu’il ajoute : « Et fait sa volonté ». Ce n’est pas assez, dit-il, de connaître Dieu, mais il faut faire ce qu’il commande. Ensuite il relève le miracle en disant : « Depuis que le monde est, on n’a jamais ouï-dire que personne ait ouvert les yeux à un aveugle-né (32) ». Si donc vous avouez que Dieu n’exauce point les pécheurs, Jésus ayant fait un miracle et un tel miracle, que jamais personne n’en a fait de pareil ; de votre propre aveu il s’ensuit qu’il est évident et manifeste que Jésus a tout surpassé en vertu, et que sa puissance est plus qu’humaine. Que lui répondirent-ils donc ? « Tu n’es que péché dès le ventre de ta mère, et tu veux nous enseigner (34) ? » Tant qu’ils avaient pu se flatter que l’aveugle nierait, ils l’avaient regardé comme un homme digne de foi, au point de le faire venir devant eux à deux reprises. Que si, dirai-je, vous ne le croyiez pas digne de foi, pourquoi ce double interrogatoire ? Mais cet homme disant hardiment la vérité et sans crainte, au lieu de l’admirer davantage, c’est alors qu’ils le condamnent.
Mais que signifient ces paroles : « Tu n’es que péché dès ta naissance ? » Qu’ils lui reprochent son ancienne disgrâce, comme s’ils lui disaient : « Tu es tout en péchés dès tes premières années » ; et ils lui font ce reproche comme si c’était pour cela qu’il fût né aveugle : jugement contraire à la raison et tout à fait injuste. Sur quoi, Jésus-Christ voulant le consoler, dit : « Je suis venu dans ce monde pour exercer un jugement, afin que ceux qui ne voient point, voient, et que ceux qui voient, deviennent aveugles (39) ».
« Tu es tout en péchés dès ta naissance ». Et qu’avait-il répondu ? Avait-il avancé une opinion qui lui fût propre et particulière ? Ou plutôt n’est-ce pas le sentiment commun qu’il avait produit, en disant : « Nous savons que Dieu n’exauce point les pécheurs ». N’a-t-il pas simplement exposé ce que vous avez dit vous-mêmes ? « Et ils le chassèrent dehors ». L’avez-vous bien entendu, ce prédicateur de la vérité, et n’avez-vous pas reconnu que sa pauvreté n’a point ébranlé sa philosophie ? Remarquez-vous tout ce qu’il a souffert d’injures et d’outrages dès le commencement ? Remarquez-vous aussi de quelle manière et avec quelle force il a rendu témoignage à la vérité par ses paroles et par ses actions ?
4. Au reste, mes frères, ces choses sont écrites, afin que nous les imitions. Si ce pauvre, si cet aveugle, qui n’avait pas même vu Jésus-Christ, a montré tant de courage et de fermeté aussitôt après sa guérison, et même avant d’avoir ouï la doctrine et les instructions du Sauveur, s’il a résisté à tout un peuple qui ne respirait que le carnage, qui était possédé du démon, à un peuple furieux, et qui ne cherchait qu’à trouver dans ses paroles de quoi condamner Jésus-Christ ; s’il ne leur a point cédé et ne s’est point caché, mais au contraire, s’il les a hardiment réfutés et s’il a mieux aimé être chassé hors de la synagogue que de trahir la vérité, à combien plus forte raison, nous qui avons vécu déjà tant d’années dans la foi, nous à qui la foi a fait voir des milliers de miracles et de prodiges, qui avons reçu de plus grands biens que lui, qui avons contemplé des yeux intérieurs de l’âme de profonds mystères, et qui sommes appelés à de si grands honneurs, à combien plus forte raison, dis-je,