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corps et de son sang adorable ; en sorte qu’il n’y a point d’homme raisonnable qui puisse être trompé en ce point. Ainsi, le Seigneur nous sauve et nous instruit tout ensemble par cette même table sacrée qui est le plus grand de tous les biens ; c’est ce qui fait que saint Paul en parle avec tant d’étendue. Après la célébration de ce mystère, Jésus-Christ dit « Je ne boirai plus désormais de ce fruit de vigne, jusqu’au jour auquel je le boirai nouveau avec vous dans le royaume de mon Père (29) ». Comme il avait déjà parlé de sa passion et de sa croix, il parle maintenant de la résurrection qu’il appelle le « Royaume de son Père ».
Mais pourquoi a-t-il voulu boire et manger après sa résurrection ? C’était pour ne point passer pour un fantôme dans l’esprit des plus grossiers qui regardent cette marque comme la plus certaine et la plus infaillible de la résurrection. De là vient que les apôtres, pour convaincre les peuples de la résurrection de Jésus-Christ, disent : « Nous avons bu et mangé avec lui depuis qu’il est ressuscité des morts ». C’est donc pour leur marquer clairement qu’ils le verront après sa résurrection et qu’ils le verront de telle sorte que ses paroles et ses actions les convaincraient de la vérité de sa nouvelle vie, qu’il leur dit ces paroles : « Jusqu’au jour auquel je le boirai nouveau avec vous dans le royaume de mon Père ». Car vous devez être les témoins de ma résurrection dans le monde entier. C’est pourquoi vous me verrez quand je serai ressuscité.
Il appelle ce vin, « nouveau », c’est-à-dire, qu’il le boirait d’une manière nouvelle, inouïe et tout à fait admirable. Car il est ressuscité avec un corps impassible, immortel, incorruptible, et qui n’avait aucun besoin de nourriture. Et s’il a voulu boire et manger après sa résurrection, lorsqu’il n’avait aucun besoin de nourriture, ce n’était que pour certifier davantage la vérité de sa résurrection. Pourquoi, me direz-vous, a-t-il voulu, après sa résurrection, boire non de l’eau, mais du vin ? C’était pour ruiner, jusque dans la racine, l’hérésie pernicieuse de ceux qui veulent se servir d’eau dans la célébration des mystères, et pour montrer que quand il a institué ce mystère, c’était avec du vin, et qu’après sa résurrection il a usé encore de vin dans un repas commun qui ne renfermait point de mystère. « Je ne boirai point », dit-il « de ce fruit de la vigne », or la vigne produit non de l’eau, mais du vin.
« Et ayant chanté le Cantique, ils s’en allèrent sur la montagne des oliviers (30) ». J’appelle ici tous ces mangeurs brutaux qui, après s’être gorgés à table, en sortent comme des pourceaux au lieu de rendre à Dieu les actions de grâces qu’il mérite. J’appelle encore tous ceux qui, dans la célébration des mystères, n’attendent pas les dernières oraisons qui figurent celle que fait ici le Sauveur. Il rend grâces à Dieu son Père avant que de donner à manger à ses disciples, afin de nous apprendre à commencer nos repas par les actions de grâces ; il rend grâces aussi après, et il chante un cantique afin de nous avertir de l’imiter dans cette pratique
Mais pourquoi va-t-il sur cette montagne qui était un lieu si connu à Judas qui le trahissait, sinon pour montrer qu’il ne fuyait point la mort, et qu’il ne voulait point se cacher ? Après qu’il y fut arrivé, il dit à ses disciples « Je vous serai à tous en cette nuit une occasion de scandale et de chute. Car il est écrit : Je frapperai le pasteur, et les brebis du troupeau seront dispersées (31) ». Il leur rapporte cette prophétie pour leur faire voir qu’ils devaient s’appliquer continuellement à la méditation de l’Écriture, et pour leur marquer en même temps que c’était par un ordre exprès de la volonté de Dieu son Père, qu’il allait être crucifié. Il voulait encore témoigner dans toutes les rencontres, qu’il n’était point opposé à l’ancienne Loi, ni à Dieu qui l’avait établie ; que tout ce qui était marqué dans les anciennes Écritures avait rapport à l’avenir ; et que les prophètes avaient longtemps auparavant prophétisé ce qui lui allait arriver, afin que la vue de toutes ces choses relevât leur espérance.
Il veut encore nous apprendre quels étaient ses disciples avant sa mort, et quels ils devinrent ensuite. Ceux qui n’avaient pu même le voir attacher en croix, et qui s’enfuirent aussitôt qu’il fut pris, demeurèrent enfin plus fermes que le diamant. Mais cette fuite des disciples nous est encore une preuve convaincante de la vérité de la mort de Jésus-Christ. Car si, après tant de marques indubitables, de paroles et d’actions, quelques-uns néanmoins sont encore assez hardis pour dire que le Fils de Dieu n’a point été crucifié ; que n’oseraient-ils point soutenir, s’il ne fût arrivé alors aucune de ces