Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/36

Cette page n’a pas encore été corrigée

HOMÉLIE LXXXII.


« ET COMME ILS MANGEAIENT, JÉSUS PRIT DU PAIN ET L’AYANT BÉNI, LE ROMPIT, ET LE DONNA A SES DISCIPLES, EN DISANT : PRENEZ, MANGEZ, CECI EST MON CORPS. ET PRENANT LE CALICE, AYANT RENDU GRÂCES, IL LE LEUR DONNA EN DISANT : BUVEZ-EN TOUS. CAR CECI EST MON SANG, LE SANG DE LA NOUVELLE ALLIANCE QUI EST RÉPANDU POUR PLUSIEURS POUR LA RÉMISSION DES PÉCHÉS ». (CHAP. 26,26, 27, 28, JUSQU’AU VERSET 36)

ANALYSE.

  • 1. La sainte Cène, institution du sacrement adorable de l’Eucharistie.
  • 2. Réfutation de Marcion, Valentin et Manès, qui niaient la réalité de la mort de Jésus-Christ. – Contre certains hérétiques qui employaient l’eau dans le saint sacrifice.
  • 3. Présomption de saint Pierre corrigée.
  • 4-6. De la foi en Jésus-Christ dans l’Eucharistie. – Pourquoi Jésus-Christ a voulu renfermer ses sacrements sous des figures visibles et extérieures – Qu’il ne faut point approcher de la table de Jésus-Christ avec dégoût ou avec indifférence. – Quelle pureté on y doit apporter. – Que c’est un grand crime d’être indifférent à la grâce que Jésus-Christ nous fait en se donnant à nous dans son Sacrement. – Qu’on doit chasser de cette table sainte ceux qui s’en rendent indignes par leur mauvaise vie, quelque rang qu’ils aient dans le monde.


1. Quel est donc l’aveuglement de ce traître qui ne change point pour être assis à cette table divine, et qui demeure toujours le même après avoir participé à de si redoutables mystères ? C’est ce que veut montrer saint Lc. lorsqu’il dit : « Qu’après cela le démon entra en lui » ; il y entre non pour insulter au corps du Sauveur, mais pour punir l’insolence du traître. Deux circonstances aggravaient le crime de Judas ; d’abord il avait osé approcher d’une table si sainte avec une disposition si criminelle ; ensuite, bien loin de tirer aucun fruit d’une telle grâce et d’un tel honneur, il en avait abusé sans aucune crainte. Le Fils de Dieu n’éloigna point cet homme, bien qu’il pénétrât le fond de son cœur, pour nous faire voir qu’il ne voulait rien omettre de tout ce qui pouvait servir à le corriger. Nous avons déjà vu, et on le pourra voir encore dans la suite, qu’il lui représentait continuellement son crime, et qu’il cherchait à l’en détourner par ses paroles et par ses actions, par la crainte et par les menaces, par les honneurs et par les services qu’il lui rend. Mais rien ne put le fléchir. C’est pourquoi le Sauveur le laisse enfin à lui-même, et donnant toutes ses pensées au soin de ses autres disciples, il les avertit encore par ces mystères sacrés de sa mort qui s’approchait. Il les entretient de sa croix pendant la cène, et il veut prévenir leur trouble et leur abattement, en leur prédisant si souvent ces choses. Si, après tant de prédictions en actions et en paroles, ils ne laissent pas que de se troubler, qu’auraient-ils donc éprouvés, s’ils n’avaient point été avertis d’avance ? « Et comme ils mangeaient, Jésus prit du pain et le rompit ».
Pourquoi Jésus-Christ a-t-il institué ce mystère au temps de la Pâque ? C’est pour nous montrer par toutes ces actions que c’est lui-même qui a établi l’ancienne Loi, et que tout ce qu’elle contient n’était que des figures et des ombres qui avaient rapport à la Loi nouvelle. C’est pour cette raison qu’il a joint la vérité à la figure. Cette heure du soir » qu’il choisit pour faire la Pâque nous marquait que les temps étaient accomplis, et que les choses étaient sur le point d’avoir bientôt leur dernière fin.
Il rendit grâce à Dieu son Père, afin de nous enseigner comment nous devons célébrer ce saint mystère, et tout ensemble pour nous