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furent pris eux-mêmes. Nous ne devons pas seulement admirer leur sagesse pour avoir su se passer de miracles, et n’avoir eu besoin que de la doctrine seule, de la seule parole de Jésus-Christ pour se convertir (car ils n’ont point dit : Jamais homme n’a fait de si grands miracles, mais bien : « Jamais homme n’a parlé comme cet homme-là ») : non seulement donc leur docilité est digne d’admiration, mais aussi la liberté avec laquelle ils répondent à ceux qui les avaient envoyés, aux pharisiens, à ceux qui persécutaient Jésus, et qui n’oubliaient rien pour assouvir l’envie qu’ils lui portaient.
« Les archers retournèrent », dit l’évangéliste, « et les pharisiens leur dirent : Pourquoi ne l’avez-vous pas amené ? » Être retournés, c’est plus que d’être demeurés : s’ils, n’avaient pas été rejoindre les pharisiens, ils se seraient dérobés à leur colère ; mais par leur retour, ils ont maintenant la gloire d’être prédicateurs de la sagesse de Jésus-Christ, et par là se manifeste mieux leur fermeté. Ils ne disent point : nous n’avons pas pu l’amener à cause du peuple qui l’écoute comme un prophète ; mais quelle est leur réponse ? « Jamais homme n’a si bien parlé ». Et certes, ils auraient pu alléguer l’autre excuse, mais leur cœur est droit, et ils le montrent. En effet, leur réponse n’est pas seulement un témoignage de leur admiration et de leur étonnement, mais aussi du reproche qu’ils font aux pharisiens de les avoir envoyés prendre et garrotter un homme qu’ils auraient plutôt dû eux-mêmes aller écouter. Cependant ils n’avaient entendu qu’une prédication fort courte. A une âme droite et sincère il ne faut pas de longs discours, la vérité a par elle-même assez de force.
Que répliquèrent donc les pharisiens ? Lorsqu’ils auraient dû être touchés de componction, ils accusent au contraire ces gardes de s’être laissés séduire : « Êtes-vous donc aussi vous-mêmes séduits (47) ? » Ils les flattent encore et n’usent point de rudes paroles, de peur qu’ils ne les quittent tout à fait, mais toutefois, à travers cette circonspection, on entrevoit leur rage et leur fureur. Les pharisiens auraient dû demander ce qu’avait dit Jésus, et admirer ses réponses, et ils ne le font pas, dans la crainte d’être attirés comme les autres, mais ils répliquent par cet argument absurde : « Pourquoi nul des sénateurs n’a cru en lui (48) ? » Dites-moi : N’est-ce pas là faire plutôt un reproche aux incrédules qu’à Jésus-Christ ? « Car pour cette populace qui ne sait pas la loi, ce sont des gens maudits (49) ». Et voilà pourquoi vous êtes plus condamnables, vous qui êtes demeurés dans l’incrédulité, tandis que la populace croyait. Ces hommes du peuple se conduisaient comme des gens qui savaient la loi. Comment donc sont-ils maudits ? C’est vous qui n’observez pas la loi, qui êtes maudits, et non ceux qui l’observent : et l’incrédulité de ceux qui refusent de croire à Jésus-Christ n’est pas un argument qui puisse être employé contre lui. Ce procédé est très-blâmable ; vous-mêmes, vous n’avez pas cru à Dieu, comme dit saint Paul : « Car enfin, si quelques-uns d’entre eux n’ont pas cru, leur infidélité anéantira-t-elle la fidélité de Dieu ? Non, certes ». (Rom. 3,3) Les prophètes aussi vous ont continuellement fait ce reproche, vous disant : « Écoutez la parole du Seigneur, princes de Sodome » (Is. 1,10) ; et : « Vos princes n’observent point la loi ». Et derechef : « N’est-ce pas à vous de savoir ce qui est juste ? » (Mic. 3,1) Et partout ils leur font encore de plus fortes réprimandes.
Quoi donc ? Vous êtes infidèles, quelqu’un osera-t-il tirer de là un argument contre Dieu ? Loin, de nous ce blasphème, c’est uniquement votre faute : et quel autre témoignage faut-il, pour connaître que vous ne savez point la loi, que votre seule incrédulité ? Lors donc qu’ils eurent dit qu’aucun des sénateurs n’avait cru en Jésus, mais ceux-là seulement qui ne savaient point la loi, Nicodème les reprit fort à propos par ces paroles : « Notre loi permet-elle de condamner personne sans l’avoir oui auparavant (51) ? » Il fait voir par là qu’ils ne savent et n’observent point la loi. Car si la loi défend de faire mourir personne sans l’avoir ouï auparavant, et si avant d’avoir ouï Jésus, ils cherchaient à le faire mourir, ils étaient des violateurs de la loi : et comme ils avançaient qu’aucun des sénateurs n’avait cru en lui, l’évangéliste indique exprès que Nicodème était de leur corps, pour faire voir que des sénateurs mêmes avaient cru en lui. Sans doute ils ne l’avaient pas encore témoigné publiquement comme ils l’auraient dû, mais néanmoins ils étaient attachés à Jésus-Christ.
Mais remarquez, mes frères, avec quelle