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ne mit la main sur lui (44) ». Et en effet, si quelque chose était capable de les toucher, c’était au moins cette hardie et insolente entreprise, mais ils n’en furent nullement touchés, comme dit le prophète : « Ils ont été divisés, mais ne furent pas néanmoins touchés de componction ». (Ps. 34,19)
3. C’est le propre de la malice de ne vouloir céder à personne, et d’avoir uniquement en vue la perte de celui à qui elle tend des pièges. Mais, que dit l’Écriture ? « Celui qui creuse la fosse pour son prochain tombera dedans ». (Prov. 26,27) Et voilà ce qui est alors arrivé aux Juifs. Ils avaient envie de faire mourir Jésus-Christ pour détruire la prédication, pour étouffer l’Évangile dès sa naissance. Ce fut le contraire qui arriva : la prédication fleurit, l’Évangile triomphe par la grâce de Jésus-Christ, et leur république est éteinte, leur état est renversé : ils sont errants sur la terre, sans patrie, sans liberté, sans culte ; toute leur prospérité leur est ravie : ils vivent dans la servitude et dans la captivité.
Instruits de ces vérités, gardons-nous de tendre des pièges aux autres, persuadés que c’est là aiguiser une épée contre soi-même, et se faire une plus profonde blessure. Mais on vous a offensé, et vous voulez en tirer vengeance ? Ne vous vengez point, et par là vous serez vengé : si vous vous vengez, vous ne vous vengerez point. Et ne pensez pas que ce soit là une énigme, c’est une vérité. Comment cela ? Parce que, si vous ne vous vengez point, vous, attirez la colère de Dieu sur celui qui vous a offensé ; si, au contraire, vous exercez votre vengeance, il n’en est plus de même : le Seigneur ne vous venge point. Car, « c’est à moi que la vengeance est réservée, et c’est moi qui la ferai, dit le Seigneur ». (Rom. 12,19 ; Deut. 32,43) En effet, qu’il survienne une querelle entre nos domestiques, nous voulons qu’ils nous en laissent toute la vengeance ; mais, s’ils se vengent eux-mêmes, et qu’ensuite ils viennent nous prier de les venger, quelles que soient leurs instances, non seulement nous ne les vengeons point, mais même nous nous mettons en colère contre eux, et nous leur disons : Déserteur, tu mérites les étrivières ; car ils devaient s’en rapporter entièrement à nous, et nous laisser le soin de les venger. Mais, comme nous leur pouvons dire : Tu t’es vengé toi-même, nous leur répondons. Retire-toi, et ne viens pas davantage m’importuner. À plus forte raison, Dieu, qui nous, a commandé de nous remettre à lui de toutes choses, nous fera-t-il cette même réponse. Et quoi n’est-il pas ridicule que nous, qui exigeons de nos serviteurs tant de sagesse et de déférence, nous ne confiions pas au Seigneur ce que nous voulons que nos serviteurs nous confient ? Au reste, si je vous dis ceci, mes frères, c’est que je vous vois très-prompts à vous venger.
Le vrai sage ne doit point se venger, il doit remettre et pardonner les fautes qu’on commet contre lui, et il le devrait, quand même il n’aurait pas à attendre une grande récompense, à savoir, la rémission de ses propres péchés : si vous condamnez le pécheur, si vous le punissez, pourquoi, je vous prie ; pourquoi péchez-vous vous-même ? pourquoi tombez-vous dans les fautes que vous punissez chez les autres ? Quelqu’un vous a-t-il fait une injure, ne rendez pas injure pour injure, pour ne pas vous punir vous-même le premier : Quelqu’un vous a-t-il frappé, ne rendez pas coup pour coup, vous n’en retireriez aucun avantage. Quelqu’un tous a-t-il causé du chagrin, ne rendez pas la pareille, il n’en revient aucune utilité, sinon de devenir semblable à celui qui a fait le mal. Si vous souffrez tout patiemment et avec douceur, peut-être le couvrirez-vous de confusion, peut-être le ferez-vous rougir assez pour qu’il calme sa colère.
Ce n’est point par le mal qu’on guérit le mal ; mais c’est par le bien. Il est des païens qui pensent de même et pratiquent cette philosophie. Rougissons donc de céder, en philosophie, à des fous comme sont les païens. Plusieurs d’entre eux ; ayant reçu une injure, l’ont courageusement soufferte ; plusieurs ne se sont point vengé de la calomnie, plusieurs ont fait du bien à ceux qui cherchaient à leur faire du mal. Nous devons craindre que, parmi eux, il ne s’en trouve qui, nous surpassent en vertu, et quel pour cela même, nous ne soyons plus sévèrement punis.
En effet, si nous, qui avons reçu le Saint-Esprit, qui attendons un royaume, qui nous exerçons à la vraie philosophie, qui combattons pour acquérir les célestes récompenses, qui n’avons point, comme ces hommes, un enfer à, craindre, à qui il est ordonné d’être des anges, qui participons aux saints mystères ; si nous, dis-je, nous n’atteignons même pas à leur vertu, quelle indulgence obtiendrons-