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dispersion des gentils ? » ils n’ajoutèrent point, pour les perdre et les exterminer, mais pour les instruire : ainsi leur colère était déjà apaisée, et ils avaient pris confiance dans la parole de Jésus. S’ils n’y avaient point cru, ils ne se seraient pas demandé entre eux ce qu’il voulait dire : mais en voilà assez sur ce qui les concerne.
Nous avons à craindre, mes chers frères, qu’elle ne s’applique à nous-mêmes, cette parole : vous ne pouvez venir où je suis, à cause des péchés dont notre vie est chargée. Car, de ses disciples, Jésus-Christ dit : « Je désire que là où je suis, ils y soient aussi avec moi ». (Mt. 17,24) Mais de nous, j’ai peur qu’il ne dise le contraire, qu’il ne nous dise : « Vous ne pouvez venir où je suis ». Ce qu’il ne nous est pas permis de faire, nous le faisons comment pourrons-nous aller où il est ? Dans ce monde, le soldat qui manque de respect au roi, perd le droit de le voir : il est dégradé et condamné au dernier supplice. Si donc nous ravissons le bien d’autrui, si nous nous livrons à l’avarice, si nous commettons l’iniquité, si nous sommes violents et emportés, si nous ne faisons pas l’aumône, nous ne pourrons point aller là où est Jésus-Christ. Mais il nous arrivera la même chose qu’aux vierges folles (Mt. 25), qui ne purent entrer avec lui aux noces et qui furent obligées de se retirer, leurs lampes s’étant éteintes, c’est-à-dire, l’huile de la charité et des bonnes œuvres leur ayant manqué. Car le feu de la charité que le Saint-Esprit allume subitement en nous, si nous voulons, nous le rendons plus ardent, et si nous ne voulons pas, nous l’éteignons aussitôt ; mais aussi, dès qu’il sera éteint, il n’y aura plus que des ténèbres dans nos âmes. Comme la lampe qui est allumée répand une grande lumière, de même quand elle vient à s’éteindre, tout n’est que ténèbres. Voilà pourquoi l’Écriture dit : « N’éteignez pas l’Esprit ». (1Thes. 5,19) Or, on l’éteint, cet esprit, lorsque l’huile manque, lorsqu’un souffle plus impétueux que le vent vient à l’assaillir ; lorsqu’on le comprime et qu’on l’étouffe : car on éteint aussi le feu de cette manière. Or, on étouffe, on comprime cet esprit, en se livrant aux pensées du siècle ; on l’éteint, en s’abandonnant aux passions déréglées. Mais surtout, rien, n’est plus capable de l’éteindre que l’inhumanité, la cruauté, les rapines. Si, à défaut d’huile, nous versons par-dessus de l’eau froide, c’est-à-dire l’avarice qui glace par la tristesse les âmes de ses victimes, comment ensuite pourrons-nous le rallumer ? Nous sortirons donc de ce monde, emportant avec nous beaucoup de cendres et une fumée qui nous accusera d’avoir éteint notre lampe. Car où il y a de la fumée, là nécessairement il y a eu du feu, et un feu qu’on vient d’éteindre.
Mais à Dieu ne plaise qui aucun de vous n’entende cette foudroyante parole : « Je ne vous connais point ! » (Mt. 25,12) Et qu’est-ce qui la provoque, cette terrible parole ? sinon d’avoir vu le pauvre et de n’avoir pas fait attention à lui ? Si nous avons méconnu Jésus-Christ affamé, il ne nous connaîtra pas non plus lui-même, nous qui aurons été sans pitié. Et certes ce sera justice. Car celui qui méprise le pauvre et ne l’assiste pas de ses biens, comment espérerait-il participer à des biens qui ne lui appartiennent pas ? C’est pourquoi, je vous en conjure, mes frères, faisons tout ce que nous pouvons, mettons tout en œuvre pour que l’huile ne nous manque pas. Garnissons bien nos lampes, afin d’entrer avec l’époux dans la chambre nuptiale. Je prie Dieu de nous y faire tous entrer, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par lequel et avec lequel gloire soit au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles éternels ! Ainsi soit-il.