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du sabbat, quoiqu’elle vînt des patriarches et non de la loi. Or, moi j’ai fait une action meilleure et plus grande que la circoncision même. Il aurait pu arriver ensuite aux préceptes de la loi et montrer, par exemple, que les prêtres violaient le sabbat, comme il l’avait déjà dit ; mais il parle d’une manière plus générale ; au reste, ce mot : « Vous êtes surpris », signifie : vous êtes troublés.
Or, si la loi avait dû rester immuable, la circoncision ne serait pas au-dessus d’elle ; au reste, Jésus-Christ ne dit pas avoir fait une action plus grande que la circoncision, mais ses paroles en impliquent la preuve lorsqu’il dit : « Si un homme reçoit la circoncision le jour du sabbat (23) ». Remarquez-vous, mes frères, que lorsque le Sauveur détruit la loi, c’est alors qu’elle demeure plus ferme ? Remarquez-vous que la violation du sabbat est l’observance de la loi, en sorte que, si le sabbat n’avait pas été violé, nécessairement la loi l’eût été ? Par conséquent, dit-il, j’ai affermi la loi. Jésus n’a point dit : Vous vous mettez en colère contre moi, parce que j’ai fait une action plus grande que la circoncision : mais seulement il expose le fait et leur laisse à juger ensuite, si l’entière guérison d’un homme n’est pas plus nécessaire que la circoncision. On viole la loi, dit-il, pour faire à un homme une marque qui ne lui sert de rien pour la santé, et, pour l’avoir guéri d’une si grande maladie, on excite votre colère ? « Ne jugez point selon l’apparence (24) ». Que veut dire cela, « selon l’apparence ? » Quoique Moïse : soit parmi vous en plus grande réputation que moi, ne jugez pas pour cela sur la dignité des personnes, mais sur la nature des choses ; c’est là en effet juger, selon la justice. Pourquoi personne n’a-t-il blâmé Moïse ? Pourquoi personne ne s’est-il opposé à lui, quand il a ordonné de violer le sabbat par un précepte étranger à la loi ? Mais il souffre que ce précepte, on le regarde comme supérieur à sa loi ; ce précepte, dis-je, que la loi n’a point établi, mais qui vient d’ailleurs véritablement il y a là de quoi s’étonner. Vous cependant, qui n’êtes pas des législateurs, vous vengez la loi d’une manière outrée, mais Moïse, qui ordonne de violer la loi par un précepte qui n’est point de la loi, est plus digne de toi que vous. Lors donc que Jésus-Christ dit : J’ai guéri un homme dans tout son corps, il fait entendre que la circoncision ne guérit qu’une partie du corps. Et quelle est cette guérison que procure la circoncision ? « Tout homme », dit Moïse, « qui ne sera point circoncis, sera exterminé ». (Gen. 17,14) Pour moi, je n’ai pas guéri une maladie partielle, mais j’ai entièrement rétabli un corps qui était tout corrompu. « Ne jugez donc pas selon l’apparence ».
Pensons, mes frères, que ces paroles du divin Sauveur ne s’adressent pas seulement aux Juifs, mais à nous encore. Ne manquons en rien à la justice, mais faisons tous nos efforts poux y rester fidèles. Ne regardons pas si celui qui se présente à nous est pauvre ou riche ; n’examinons pas les personnes, mais l’affaire que nous avons à juger. « Vous n’aurez point de pitié du pauvre en jugement ». (Ex. 23,3) Que veut dire cela ? Si c’est un pauvre qui a commis une injustice et qui a fait du tort, que votre cœur ne s’amollisse point, ne vous laissez point fléchir. Mais s’il ne faut point avoir de compassion du pauvre, bien moins en faut-il avoir du riche. Au reste, ce n’est pas seulement aux juges, mais à tous que je m’adresse ici ; il ne faut jamais blesser la justice, mais toujours inviolablement la garder. « Le Seigneur aime la justice », dit encore l’Écriture, « mais celui qui aime l’iniquité, hait son âme ». (Ps. 10,6, 8)
Ne haïssons pas notre âme, je vous en conjure, mes chers frères, : et n’aimons pas l’iniquité. Ici-bas, nous n’en retirerions que peu ou point de profit, et en l’autre monde elle nous serait fatale. Disons mieux, nous ne jouirons point, même ici-bas de notre iniquité. Vivre dans les délices avec une mauvaise conscience, n’est-ce pas un tourment et un supplice ? Aimons donc la justice et ne violons jamais cette loi. Et, quel fruit emporterons-nous de cette vie, si nous n’en sortons avec la vertu ? Qui nous protégera en l’autre monde ? Sera-ce l’amitié, sera-ce la parenté, sera-ce la faveur ? Que dis-je, la faveur ? Quand bien même nous aurions Noé pour père, ou Job, ou Daniel, tout cela ne nous servira de rien si nos œuvres nous accusent ; pour tout aide et pour tout secours nous n’avons besoin que de la vertu. Elle seule nous pourra garantir de tous périls et nous délivrer du feu éternel ; elle nous fera entrer dans le royaume des cieux, que je vous souhaite, par la grâce et la