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prêché, l’évangéliste omet un long intervalle de temps ; en voici la preuve : Lorsque Jésus-Christ gravit la montagne et s’y assit avec ses disciples, c’était la fête de Pâques. Mais l’évangéliste parle ici de la fête appelée des tabernacles. Quant aux cinq mois intermédiaires, saint Jean ne nous offre aucun régit ; aucune instruction qui s’y rapporte, sinon le miracle des pains et le sermon prêché à ceux qui les mangèrent : d’ailleurs, Jésus-Christ n’avait pas cessé de faire des miracles et de prêcher non seulement le jour ou le soir, mais encore la nuit, car c’est de nuit que Jésus vint à ses disciples, comme le rapportent tous les évangélistes. Pourquoi ont-ils donc négligé cette période ? Parce qu’ils ne pouvaient pas tout raconter. Au reste, ils se sont attachés à rapporter les choses qui devaient dans la suite attirer les reproches ou les murmures des Juifs, et ces choses revenaient souvent. Ils ont souvent, en effet, répété dans leur histoire que Jésus guérissait les malades, qu’il rendait la vie aux morts, ce qui avait excité l’admiration et l’étonnement du peuple. D’ailleurs, lorsqu’il se présente quelque chose de grand et d’extraordinaire, ou quelque accusation dirigée contre Jésus-Christ, ils en font le récit, comme on le voit maintenant qu’ils disent que ses frères ne croyaient point en lui : ce qui pouvait devenir un grave sujet d’accusation. Et certes, il est admirable de voir combien les disciples ont été fidèles et véridiques dans ce qu’ils ont écrit, eux qui n’ont pas craint de transmettre à la postérité des choses qui semblaient être à la honte de leur Maître et paraissent même raconter ces sortes de faits de préférence aux autres.
C’est pourquoi saint Jean passe ici rapidement sur un nombre de miracles, de prodiges, de sermons, pour arriver à ceci : « Ses frères lui dirent : Quittez ce lieu, et vous en allez en Judée, afin que vos disciples voient aussi les œuvres que vous faites (3). Car personne n’agit en secret lorsqu’il veut être connu dans le public. Faites-vous connaître au monde (4). Car ses frères ne croyaient point en lui (5) ». Et en quoi, direz-vous, sont-ils incrédules, puisqu’ils le prient de faire des miracles ? Oui, certes, ils le sont, et beaucoup ; leurs paroles, leur hardiesse, cette liberté prise à contre-temps, marquent leur incrédulité. Car ils croyaient que la parenté leur donnait droit de parler et de demander hardiment. Et si, en apparence, ils lui font une remontrance d’ami, leurs paroles n’en sont pas moins très-piquantes et très amères : ils l’accusent de timidité et de vaine gloire. En effet, quand ils disent : « Personne n’agit en secret », ils font l’office d’accusateurs, puisqu’ils lui reprochent sa timidité, et que ses œuvres leur sont suspectes ; et quand ils disent : « Il veut être connu dans le public », ils soupçonnent qu’il y a de la vaine gloire en ce qu’il fait.
2. Pour vous, mon frère, admirez la vertu de Jésus-Christ. Car des rangs de ceux qui parlaient de la sorte sortit le premier évêque de Jérusalem, savoir, le bienheureux Jacques dont saint Paul dit : « Je ne vis aucun des autres apôtres, sinon Jacques frère du Seigneur ». (Gal. 1, 49) Il est dit aussi que Judas avait été un homme admirable. Cependant ces frères de Jésus étaient à Cana, lorsque Jésus changea l’eau en vin, mais ce miracle ne fit point alors d’impression sur leur esprit. D’où leur venait donc une si grande incrédulité ? De leur mauvaise volonté et de leur envie. Car les parents ont coutume de porter envie à ceux de, leurs parents qu’ils voient dans une plus haute réputation et dans une plus grande estime qu’eux. Qui sont ceux qu’on appelle ici disciples de Jésus-Christ ? Le peuple qui le suivait et non les douze qu’il avait choisis. Que répondit donc le divin Sauveur ? Remarquez avec quelle douceur il répond. Il n’a point dit : Qui êtes-vous, pour m’oser donner des avis, et m’instruire sur ce que je dois faire ? Mais qu’a-t-il dit ? « Mon temps n’est pas encore venu (6) ». Il me semble que l’évangéliste veut nous insinuer ici quelque autre chose : que peut-être leur envie les poussait à le livrer aux Juifs, et qu’ils méditaient ce dessein ; c’est pour le faire connaître qu’il dit : « Mon temps n’est pas « encore venu », c’est-à-dire le temps de ma croix et de ma mort. Pourquoi vous hâtez-vous de me faire mourir avant le temps ? « Mais pour le vôtre, il est toujours prêt ». C’est-à-dire, les Juifs, encore que vous soyez toujours parmi eux, ne vous feront point mourir, vous qui êtes dans leurs sentiments ; mais moi, aussitôt qu’ils m’auront entre leurs mains, ils chercheront à me faire mourir. De sorte que c’est toujours pour vous le temps d’être avec eux : vous n’avez point à craindre qu’ils vous fassent aucun mal : pour moi, ce sera mon temps, lorsque le temps sera venu pour moi d’être crucifié et de mourir. Ce qui suit fait