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en les sondant sur leur volonté avec douceur et avec bonté, le divin Sauveur nous apprend comment nous devons raisonner et nous conduire en ces sortes de rencontres. Pour nous, qui faisons tout par vanité et avec hauteur, et qui croyons perdre de notre gloire si ceux qui nous honoraient nous délaissent, nous méritons par cela même qu’ils nous quittent. En un mot, Jésus-Christ n’a point flatté ses disciples : il ne les a pas congédiés, mais il leur a demandé ce qu’ils voulaient faire, en quoi il ne leur marque aucun mépris, mais seulement il leur témoigne qu’il ne veut pas qu’ils restent avec lui par contrainte et par force, car, autant vaudrait s’en aller que demeurer de cette manière.
Mais Pierre, que répondit-il donc à Jésus-Christ ? « À qui irions-nous, Seigneur ? vous avez les paroles de la vie éternelle (68). Nous croyons et nous savons que vous êtes le Christ Fils de Dieu (70) ». Ne voyez-vous pas dans cette réponse que ce n’étaient point les paroles de Jésus-Christ qui scandalisaient ses auditeurs, mais bien leur propre étourderie, leur paresse, leur corruption et leur méchanceté ? Quand il aurait gardé le silence ils n’auraient pas cessé de se scandaliser, eux qui ne lui demandaient que la nourriture corporelle, et qui étaient uniquement attachés à la terre. Les uns et les autres ont tous ensemble entendu ce qu’a dit Jésus-Christ ; mais les vrais disciples, étant dans des dispositions toutes contraires, ont dit : « A qui irions-nous ? » Paroles qui marquent une grande affection et un véritable attachement. Elles font connaître que leur Maître leur était plus cher que toute autre chose, que leurs pères, que leurs mères, que leurs biens ; et que ceux qui se séparent de Jésus n’ont plus de refuge. Ensuite, de peur qu’on ne crût que Pierre avait dit : « A qui irions-nous ? » parce que ni lui, ni ses compagnons, ne savaient chez qui se retirer désormais, il ajoute aussitôt la raison pour laquelle ils veulent demeurer : « Vous avez les paroles de la vie éternelle ». Car les uns écoutaient la divine parole avec un esprit charnel et terrestre, mais les autres l’écoutaient spirituellement, mettant toute leur confiance dans la foi.
Voilà pourquoi Jésus-Christ disait : « Les paroles que je vous dis sont esprit » ; c’est-à-dire : Ne pensez pas que ce que je vous dis soit sujet à l’enchaînement et à la dépendance des choses de ce monde : les choses spirituelles ne sont pas de cette nature, elles ne sont pas soumises aux lois de la terre. C’est aussi là ce que déclare saint Paul par ces paroles : « Ne dites point en votre cœur : Qui pourra monter au ciel ? c’est-à-dire pour en faire descendre Jésus-Christ. Ou qui pourra descendre au fond de la terre ? c’est-à-dire pour appeler Jésus-Christ d’entre les morts ». (Rom. 10,6-7) Déjà les disciples avaient reçu la doctrine de la résurrection et du partage céleste. Considérez, je vous prie, de quelle manière celui qui aime ses frères prend leur défense et répond pour tous. Pierre n’a point dit : Je sais, mais « nous savons ». Ou plutôt remarquez de quelle manière il suit et il imite les propres paroles de son Maître, et s’éloigne du langage des Juifs. Les Juifs disaient : Celui-là est le fils de Joseph ; mais Pierre répond : « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant » ; et : « Vous avez les paroles de la vie éternelle » ; peut-être parce qu’il lui avait souvent entendu dire : « Celui qui croit en moi a la vie éternelle ». Car, se servant des mêmes paroles, il fait voir qu’il les a toutes retenues. Et Jésus-Christ, que répond-il ? Il ne loue point Pierre, ne le vante point, ce que toutefois il fait ailleurs. Mais que dit-il donc ? « Ne vous ai-je point choisi au nombre de douze ? et néanmoins un de vous autres est un démon (71) ». Comme Pierre avait dit : « Et nous savons », Jésus, comme de juste, exempte Judas de ce nombre. Il ne parla point des disciples, lorsqu’en une autre occasion, sur cette demande du Christ : « Et vous autres, qui dites-vous que je suis ? » Pierre lui répondit : « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant ». (Mt. 10,15-16) Mais ici, attendu qu’il avait dit : « Nous croyons », il retranche justement Judas du nombre, et il le fait longtemps auparavant pour détourner ce traître de sa perfidie, sachant que c’était peine perdue, mais voulant faire tout ce qui était en lui.
4. Admirez la sagesse du divin Sauveur : Il ne fit pas connaître Judas, et aussi il ne permit pas qu’il fût tout à fait inconnu ; d’une part, afin qu’il ne devînt pas plus impudent, et qu’il ne s’obstinât pas dans son crime ; d’autre part, afin que, ne se croyant pas connu, il ne s’y portât pas avec plus de hardiesse et d’insolence. Voilà pourquoi il le reprit dans la suite plus ouvertement. Et certes, la première