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notre chef, et de cet ardent amour dont il nous a donné de si vives marques. Souvent les parents confient à des nourrices leurs enfants ; moi, au contraire, je les nourris de ma chair, je me donne moi-même à manger. Je veux tous vous anoblir et vous donner à tous une bonne espérance des biens à venir. Celui qui s’est livré pour vous dans ce monde vous fera dans l’autre beaucoup plus de bien encore. J’ai voulu être votre frère pour l’amour de vous ; j’ai pris votre chair et votre sang afin que l’un et l’autre fût commun entre nous : je vous rends cette chair et ce sang, par lesquels je suis devenu de même nature que vous. Ce sang forme en nous une brillante et royale image : il produit une incroyable beauté, il ne laisse pas la noblesse de l’âme se flétrir, lorsqu’il l’arrose souvent et la nourrit. Les aliments ne se tournent pas d’abord en sang, mais auparavant ils se convertissent en quelqu’autre chose. Mais ce sang se répand dans l’âme aussitôt qu’on l’a bu, il l’arrose et la nourrit. Ce sang, quand on le reçoit dignement, met en fuite les démons, il appelle et fait venir à nous les anges, et même le Seigneur des anges. Car, aussitôt que les démons voient le sang du Seigneur, ils fuient, mais les anges accourent. Ce sang, par son effusion, a lavé et purifié tout le monde.
Saint Paul, dans son Épître aux Hébreux, dit sur ce sang bien des choses qui sont pleines d’une admirable sagesse. C’est ce sang qui a purifié l’intérieur du temple et le Saint des saints. (Héb. 9) Que si le symbole de ce sang, et dans le temple des Hébreux, et dans la ville capitale de l’Égypte, seulement jeté par aspersion sur les jambages des portes, a eu tant de puissance et de vertu, la vérité en a bien une plus grande et plus efficace. C’est ce sang qui a consacré l’autel d’or : le grand prêtre n’osait entrer dans le sanctuaire sans en avoir auparavant été arrosé. C’est avec ce sang que se faisait la consécration des prêtres : ce sang figuratif lavait les péchés ; si donc la figure a eu tant de vertu et de puissance, si la mort a eu tant de frayeur de l’ombre, combien, je vous prie, craindra-t-elle la vérité ? Ce sang est la sanctification et le salut de l’âme. C’est lui qui la lave, la purifie, l’orne, l’enflamme c’est lui qui rend notre intelligence plus brillante que le feu, notre âme plus resplendissante que l’or. C’est ce sang qui, ayant été répandu, a ouvert le ciel.
4. Les mystères que Jésus-Christ a confiés à son Église sont véritablement terribles : l’autel, sur lequel est immolée cette divine victime, est véritablement redoutable. (Gen. 2,10) Du Paradis sortait une source qui se partageait de tous côtés en des fleuves d’eau sensible : de cette table rejaillit une source qui répand des fleuves d’eau spirituelle. Ce ne sont pas des saules stériles qui s’élèvent autour de cette fontaine, mais des arbres dont la hauteur atteint jusqu’au ciel, qui portent toujours du fruit dans la saison, qui jamais ne se flétrissent. Si quelqu’un est échauffé, qu’il aille à cette fontaine, il y tempérera sa fièvre car elle dissipe la chaleur et rafraîchit tout ce qui est brûlé et en feu, non ce qui est échauffé par l’ardeur du soleil, mais ce que des flèches de feu ont enflammé. C’est d’en haut, c’est du ciel que cette fontaine prend sa source et qu’elle tire son origine ; c’est là qu’elle se renouvelle. Elle donne naissance à plusieurs ruisseaux que l’Esprit-Saint fait couler, et dont le Fils fait la distribution : Ce n’est pas avec le hoyau qu’il leur trace leur route, mais il ouvre notre cœur et nous dispose à les recevoir. Cette source est une source de lumière qui répand les rayons de la vérité.
Là se trouvent les vertus célestes, qui contemplent la beauté des sources et des canaux, parce qu’ils en connaissent la vertu mieux que nous, et qu’ils voient plus clairement cette lumière inaccessible. Et comme s’il pouvait se faire que quelqu’un mit sa main ou sa langue dans de l’or fondu, il la retirerait toute dorée, de même ceux qui participent aux saints mystères dont nous parlons, changent plus véritablement leur âme en or. Ce fleuve fait bouillonner l’eau à plus gros bouillons et avec plus de véhémence que le feu, mais il ne brûle pas ; seulement il lave, il purifie. Les autels, les cérémonies et les sacrifices de l’ancienne loi étaient des figures qui nous annonçaient d’avance ce précieux sang. Voilà le prix de la rédemption de tout le monde ; voilà avec quoi Jésus-Christ a acheté son Église, c’est par ce sang qu’il l’orne et l’embellit tout entière. De même que celui qui achète des esclaves donne de l’or et les habille d’une étoffe d’or, s’il veut les orner et les parer, ainsi Jésus-Christ nous a achetés et ornés par son sang. Ceux qui participent à ce sang vivent dans la société des anges, des archanges et des puissances des cieux ; ils sont revêtus de la robe royale de Jésus-