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Que la même chose pouvait se dire aussi des Juifs, ce qui précède le fait voir, et aussi ce que disaient ceux qui venaient trouver Jésus-Christ. Car quand il leur donnait à manger et qu’il les rassasiait, ils l’appelaient prophète et le voulaient faire roi ; mais lorsqu’il leur fait connaître la nourriture spirituelle et la vie éternelle ; lorsqu’il les détourne des choses terrestres, lorsqu’il leur parle de la résurrection et qu’il élève leur esprit, lorsqu’enfin ils devaient le plus l’admirer ; c’est alors qu’ils se mettent à murmurer, et qu’ils se retirent. Cependant s’il était le prophète, comme auparavant ils l’avaient reconnu en disant : « Voici celui de qui Moïse a parlé : Le Seigneur votre Dieu vous suscitera un prophète comme moi, d’entre vos frères, c’est lui que vous écouterez » (Deut. 18,15) ; ils devaient donc l’écouter quand il disait : « Je suis descendu du ciel ». Mais ils ne l’écoutaient point, et au contraire ils se mettaient à murmurer, gardant néanmoins encore quelque respect pour lui, à cause du miracle qu’il venait de faire pour eux : c’est aussi pour cette raison qu’ils ne le contredisaient pas ouvertement, quoique par leurs murmures ils fissent assez éclater leur dépit et leur colère, de ce qu’il ne leur donnait pas la nourriture qu’ils désiraient. Et en murmurant ils lui faisaient ce reproche : « N’est-ce pas là le fils de Joseph ? » ce qui montre qu’ils n’avaient nulle connaissance de son admirable génération ; c’est pour cela qu’ils l’appelaient encore fils de Joseph. Et toutefois le divin Sauveur ne les reprend point, il ne leur dit pas : Je ne suis point le fils de Joseph : non qu’il fût le fils de Joseph, mais parce qu’ils n’étaient pas encore capables d’entendre parler de son admirable génération. Que s’ils ne pouvaient point encore comprendre sa naissance charnelle, bien moins auraient-ils compris sa génération ineffable et céleste. S’il ne leur découvrit pas le secret de sa naissance terrestre, à plus forte raison n’aurait-il pas entrepris de leur révéler un mystère aussi sublime. Cependant c’était pour eux un sujet de scandale que de le croire de naissance vulgaire : néanmoins, il ne leur découvre pas la vérité, de peur qu’en étant une pierre d’achoppement, il ne fît qu’en mettre une autre à la place.
A ces murmures, que répond donc Jésus-Christ ? « Personne ne peint venir à moi, si mon Père qui m’a envoyé ne l’attire (44) ».
Les manichéens s’emparent de ces paroles mal entendues pour s’élever contre la liberté de l’homme, et dire que nous ne pouvons rien faire de nous-mêmes, et toutefois ces paroles prouvent invinciblement que notre volonté est libre et qu’il dépend de nous de vouloir. Eh quoi ! si l’on peut venir à lui, dit le manichéen, quel besoin a-t-on d’être attiré ? Mais que le Père nous attire, cela ne détruit pas notre libre arbitre, cela fait seulement connaître que nous avons besoin d’aide et de secours : le Sauveur ne dit point que, pour venir, on a besoin d’un grand secours. Il montre ensuite de quelle manière le Père attire. Car, de peur que les Juifs ne se figurent ici encore une action sensible, il ajoute : « Ce n’est pas qu’aucun homme ait vu le Père, si ce n’est celui gui est né de Dieu, c’est celui-là qui a vu le Père (46) ». Comment attire-t-il ? dit le manichéen. Déjà depuis longtemps un prophète l’a expliqué par ces paroles : « Ils seront tous enseignés de Dieu (45) ». Remarquez ici, mes frères, quelle est la dignité et l’excellence de la foi : Ceux que le Père attire, ne sont point instruits par les hommes, ni par le ministère d’un homme, mais par Dieu même. C’est pourquoi, afin de persuader ce qu’il dit, il les renvoie aux prophètes. Et s’il est dit que tous seront enseignés de Dieu, objecte encore le manichéen, pourquoi en est-il qui ne croient pas ? parce que ce que dit là le prophète, il le dit seulement de la plupart : à le bien prendre, il ne parle pas absolument de tous, mais de tous ceux qui voudront « croire ». En effet, le Maître se présente à tous, prêt à les enseigner tous, à leur donner sa doctrine qu’il répand sur tous.
« Et je le ressusciterai au dernier jour ». Dans ces paroles la dignité du Fils éclate merveilleusement. Le Père attire, et le Fils ressuscite. L’Écriture ne divise point les œuvres du Père et du Fils : et comment le pourrait-elle ? mais elle montre une égalité de puissance, de même qu’en cet endroit : « Et mon Père qui m’a envoyé rend témoignage de moi ». Après, de peur que quelques-uns ne cherchassent avec trop de curiosité à sonder ces paroles, il les a renvoyés aux Écritures ; ici de même il les renvoie aux prophètes, il les leur cite fréquemment, pour leur faire voir qu’il n’est pas contraire au Père.
Mais, direz-vous, auparavant par qui les hommes ont-ils été enseignés ? est-ce qu’ils