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allèrent ? Il veut nous apprendre quelqu’autre chose. Quoi ? Que si Jésus-Christ n’avait pas ouvertement déclaré cela au peuple, il l’avait néanmoins secrètement insinué et donné à penser, car il dit : « Le peuple vit qu’il n’y avait eu là qu’une seule barque », que Jésus n’y était point entré avec ses disciples ; et étant entrés dans des barques qui étaient arrivées de Tibériade, « ils allèrent à Capharnaüm chercher Jésus ». En effet, que restait-il à penser, sinon que Jésus était allé à Capharnaüm en traversant la mer à pied ? On ne pouvait pas dire qu’il avait passé la mer sur une autre barque, il n’y en avait qu’une, ait saint Jean celle dans laquelle les disciples sont entrés. Toutefois, après un si grand miracle, ils ne demandèrent pas à Jésus comment il avait fait pour passer la mer, ils ne s’informèrent pas d’un miracle aussi considérable. Que dirent-ils donc ? « Maître, quand êtes-vous venu ici (25) ? » À moins qu’on ne suppose qu’ici l’évangéliste a mis « quand » pour « comment », et dans le même sens.
2. Ici encore, mes frères, il est important de faire attention à l’inconstance et à la légèreté de ce peuple. Les mêmes qui avaient dit c’est là le prophète ; les mêmes qui avaient été cherchés Jésus pour l’enlever et le faire leur roi, l’ont-ils trouvé, ils n’y pensent plus, et perdant, il faut le croire, le souvenir du miracle, ils cessent d’admirer Jésus-Christ pour ses œuvres passées. Peut-être aussi le cherchent-ils, à présent, pour l’engager à leur donner encore à manger, comme précédemment.
Les Juifs passèrent la mer Rouge sous la conduite de Moïse, mais ce miracle était bien différent de celui-ci. Ce que fait Moïse, il le fait comme serviteur, il l’obtient par la prière (Ex. 14,22), mais Jésus-Christ opère tout par sa suprême autorité et sa souveraine puissance. Là le souille d’un vent du midi dessèche l’eau, et les Juifs passent la mer à sec ; mais ici le miracle est plus grand : l’eau, sans rien perdre de sa nature, porte le Seigneur sur son dos, confirmant cette parole : « Le Seigneur « marche sur la mer comme sur un pavé ». (Job. 9,8, 70) Au reste, le miracle des pains était bien à sa place au moment où Jésus-Christ allait entrer dans Capharnaüm, au milieu d’un peuple incrédule et endurci : il voulait amollir ces cœurs obstinés ; non seulement par les miracles qu’il opérerait dans la ville, mais encore par ceux qu’il ferait au-dehors. Une si grande multitude de gens, entrant dans la ville avec tant d’ardeur et d’empressement, n’était-ce pas un spectacle capable d’émouvoir un rocher ? Cependant nul n’en fut ému, nul n’en fut touché ; mais ils ne recherchaient tous que la nourriture corporelle ; voilà pourquoi Jésus-Christ « les reprend ».
Instruits par cet exemple, mes très-chers frères, bénissons le Seigneur, rendons-lui grâces, non seulement pour les biens terrestres qu’il nous accorde, mais beaucoup plus encore pour les biens spirituels. Il veut que nous lui rendions grâces des uns et des autres ; et c’est pour répandre sur nous les biens spirituels qu’il nous donne les biens temporels ; il prévient, il attire ceux qui sont plus grossiers et plus imparfaits par des bienfaits sensibles, parce qu’ils désirent encore les choses de ce monde. Mais si, après les avoir reçues, ils s’y renferment, il leur en fait des reproches et des réprimandes. Jésus-Christ voulut première ment donner au paralytique les biens spirituels ; mais ceux qui étaient présents s’y opposaient et ne pouvaient le souffrir ; car Jésus ayant dit : « Vos péchés vous sont remis », ils disaient : « Cet homme blasphème ». (Mt. 9,2, 3) Loin de nous de tels sentiments, je vous en conjure, mes frères ; mais recherchons avant toutes choses les biens spirituels. Pourquoi ? Parce que, si nous avons les biens spirituels, la privation des biens temporels ne nous fera aucun tort, ni préjudice ; et au contraire, si nous ne les possédons pas, quelle espérance, quelle consolation aurons-nous ? Prions donc continuellement le Seigneur de nous les accorder, et demandons-les uniquement. Jésus-Christ nous a appris que ce sont là les biens que nous devons demander.
Si nous méditons la prière qu’il nous a enseignée, nous n’y trouverons rien de charnel, nous n’y trouverons rien que de spirituel. Car ce peu de bien sensible qu’on y demande devient spirituel par la manière dont on le demande. En effet, ne demander à Dieu rien de, plus que le pain quotidien ou de chaque jour (Mt. 6,71), c’est d’une âme spirituelle et d’un vrai philosophe. Mais remarquez ce qui précède : « Que votre nom soit sanctifié ; que votre règne arrive ; que votre volonté soit faite en la terre comme au ciel ». (Id. 9, 10) Ensuite, après cette demande d’une chose terrestre et sensible, il recommence la suite