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jusqu’au soir à attendre qu’il revînt ; lorsque le soir fut venu, dans l’inquiétude et l’impatience où ils étaient, ils cherchèrent avec empressement leur cher Maître, tant leur âme était embrasée du feu de son amour. Ils ne disent pas : Le soir est venu, la nuit approche, maintenant où irons-nous ? Ce lieu est dangereux, l’heure est périlleuse : inspirés par leur ardente affection, ils montent dans une barque. Et ce n’est pas sans raison que l’évangéliste indique le temps, c’est pour montrer l’ardeur de leur amour. Pourquoi donc Jésus s’était-il éloigné de ses disciples ? ou plutôt pourquoi paraît-il de nouveau tout seul, marchant sur la mer ? Premièrement, pour leur apprendre combien il était triste et dangereux pour eux d’être seuls et séparés de lui, et pour enflammer davantage leur cœur ; en second lieu ; pour leur montrer sa puissance. Comme Jésus-Christ ne les instruisait pas seulement en public avec tout le peuple, mais encore en particulier, de même aussi il faisait pour eux des miracles particuliers que le peuple ne voyait pas, parce qu’il était juste que ceux à qui il devait confier la conversion et le gouvernement de tout le monde, reçussent aussi de plus grandes grâces et de plus grands dons que les autres.
Et quels sont les miracles, direz-vous, que les seuls disciples ont vu ? La transfiguration sur la montagne, le miracle que Jésus fait ici sur la mer, beaucoup de choses admirables et merveilleuses après sa résurrection, et, comme je le crois, bien d’autres encore. Les disciples vinrent donc vers Capharnaüm ; véritablement ils ne savaient pas où était allé leur Maître, mais ils espéraient de le rencontrer là ou dans leur navigation. Saint Jean l’insinue en disant que le soir étant arrivé, Jésus n’était pas encore venu, et que la mer s’était enflée à cause d’un grand vent qui soufflait. Et les disciples ? Ils étaient troublés, et certes, il y avait sujet de l’être ; bien des choses étaient capables de les épouvanter : le temps, car il était nuit ; la tempête, car la mer s’était enflée ; le lieu, car ils n’étaient pas proche de la terre. Mais « comme ils eurent fait environ vingt-cinq stades (19) », il leur arrive enfin ce à quoi ils ne s’attendaient pas, « car ils virent Jésus qui marchait sur la mer », et comme ils étaient fort effrayés, il leur dit : « C’est moi, ne craignez point (20) ». Pourquoi donc leur apparaît-il ? Pour leur faire connaître que c’était lui qui apaiserait la tempête. Ces paroles de l’évangéliste nous le font entendre : « Ils voulurent le prendre dans leur barque ; et la barque se trouva aussitôt au lieu où ils allaient (21) ». Ainsi, non seulement il les délivra du danger, mais encore il les fit heureusement arriver au port. Il ne se fit pas voir au peuple marchant sur la mer, parce que ce miracle était au-dessus de sa portée, et même il ne s’y fit pas voir longtemps à ses disciples, mais il se montra, il apparut et disparut aussitôt ; pour moi, il me semble que c’est ici un autre miracle que celui que saint Matthieu raconte, et même bien des choses prouvent qu’il est différent. Au reste, souvent Jésus-Christ fait les mêmes miracles, afin qu’ils n’étonnent pas seulement ceux qui les voient, mais, qu’étant accoutumés à les voir, ceux-ci les reçoivent avec beaucoup de foi.
« C’est moi, ne craignez point ». Jésus, par sa parole, chasse la crainte de leur cœur ; il ne fit pas de même dans une autre occasion où Pierre dit : « Seigneur, si c’est vous, commandez que j’aille à vous ». (Mt. 14,28) Pourquoi donc alors les disciples ne le reconnurent-ils pas aussitôt, tandis qu’à présent ils le reconnaissent et croient en lui ? Parce qu’alors la tempête continuait et tourmentait la barque, et que maintenant sa voix calme la mer. S’il n’en est pas ainsi, c’est sûrement, comme je viens de le dire, parce que Jésus, faisant souvent les mêmes miracles, les premiers rendaient les seconds plus croyables. Et pourquoi ne monte-t-il pas dans la barque ? C’était pour faire un plus grand miracle, et en même temps pour manifester plus clairement sa divinité, et pour montrer que quand il avait rendu grâces, il ne l’avait pas fait par besoin, mais par condescendance. Il permit que la tempête s’élevât, pour les engager à le chercher toujours, et il l’apaisa sur-le-champ, pour manifester sa puissance ; enfin, il ne monta point dans la barque pour faire un plus grand miracle.
« Le lendemain le peuple, qui était demeuré à l’autre côté de la mer, ayant vu qu’il n’y avait point là d’autre barque et que Jésus n’y était point entré avec ses disciples (22) », ils entrèrent aussi eux-mêmes dans d’autres barques, qui étaient arrivées de Tibériade. Pourquoi saint Jean détaille-t-il toutes ces circonstances, ou plutôt pourquoi n’a-t-il pas dit que le lendemain, les gens s’étant embarqués ; s’en