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notre juge à un jeune homme qui lui faisait cette question : « Quel bien faut-il que je fasse « pour acquérir la vie éternelle ? » (Mt. 19,16) Jésus-Christ, après lui avoir énuméré les autres commandements, finit par celui de l’amour du prochain. Peut-être quelqu’un de mes auditeurs me répondra comme cet homme riche : Nous avons gardé tous ces commandements, nous n’avons point dérobé, nous n’avons point tué, nous n’avons point commis d’adultère : mais vous ne pourrez pas dire que vous ayez aimé votre prochain, comme vous le deviez ; car, ou vous lui avez porté envie, ou vous l’avez outragé, ou vous ne l’avez pas secouru quand on l’a maltraité, ou vous ne lui avez pas fait part de vos biens : vous ne l’avez pas aimé. Au reste, ce n’est point là seulement ce que Jésus-Christ commande ; il y a une autre chose encore, et quoi ? « Vendez tout ce que vous avez et le donnez aux pauvres : puis venez et suivez-moi ». (Mt. 19,21) C’est-à-dire : Imitez-moi dans votre conduite.
Qu’apprenons-nous de là ? Premièrement, que celui qui n’a pas toutes ces qualités et ne possède pas toutes ces vertus, ne pourra point être placé dans le royaume des cieux au rang des premiers. Ce jeune homme ayant répondu : J’ai gardé tous ces commandements, comme s’il lui manquait encore quelque chose de grand pour atteindre à la perfection, Jésus lui dit : « Si vous voulez être parfait, vendez tout ce que vous avez et donnez-le aux pauvres : puis venez et suivez-moi ». Voilà donc ce qu’il faut premièrement, apprendre ; secondement, que Jésus le reprit de s’être donné de vaines louanges. En effet, cet homme qui avait de grands biens, et qui laissait les pauvres dans la détresse, comment aurait-il aimé son prochain ? Il ne disait donc pas vrai.
Mais nous, sachons remplir toutes nos obligations, et répandons tous nos biens pour acquérir le ciel. Si quelques-uns prodiguent tous leurs biens pour se procurer une dignité séculière, une dignité, dis-je qu’on ne peut posséder que dans cette vie, et encore fort peu de temps : car longtemps avant leur mort plusieurs ont été dépouillés de leur magistrature ; d’autres, à l’occasion de cette charge, ont même perdu la vie ; on le sait, et toutefois on emploie tout pour s’y élever : si donc il n’est rien, qu’on ne tente pour acquérir ces sortes de dignités, quoi de plus misérable que nous, qui ne voulons pas faire la moindre dépense, ni donner ce que nous allons perdre dans peu et laisser ici-bas, pour acquérir une dignité permanente, éternelle, et qu’on ne pourra jamais nous ravir ? Quelle étrange manie ! ce qu’on va nous arracher malgré nous, nous ne voulons pas le donner de bon gré, et l’emporter avec nous ? Ah ! certes, si quelqu’un, nous conduisant à la mort, nous proposait de racheter notre vie pour tous nos biens, nous l’accepterions bien vite, et nous ferions encore de grands remerciements. Et maintenant que, près d’être plongés dans les abîmes de l’enfer, on nous propose de nous en racheter, en donnant seulement la moitié de nos biens, nous aimons mieux être ensevelis dans ce lieu de supplices, et garder inutilement ce qui ne nous appartient pas, pour perdre ce qui est véritablement à nous. Quelle excuse aurons-nous à donner ? Quelle pitié, quelle compassion mériterons-nous, si, ayant négligé d’entrer dans ce chemin aisé et facile ; qui se présentait si heureusement à nous, nous aimons mieux nous précipiter dans la fatale route qui conduit à l’abîme, et nous priver nous-mêmes de tous les biens de cette vie et de tous ceux de la vie future, lorsque nous aurions pu librement jouir et des uns et des autres ? Mais si, jusqu’à présent, nous n’avons point réfléchi sur ces importantes vérités, rentrons du moins maintenant en nous-mêmes, et faisons sagement une juste dispensation des biens présents, afin que nous puissions facilement acquérir les biens à venir, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soit la gloire, avec le Père et le Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.