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Dieu donna d’abord une eau propre à laver les taches et les souillures, non les véritables, mais seulement celles qu’on regardait comme véritables, à savoir, les souillures qu’on contractait par les funérailles, par la lèpre et autres semblables, qu’on peut voir dans l’ancienne loi, et qui étaient purifiées par l’eau.
Mais reprenons notre sujet. Premièrement donc, comme nous l’avons dit, l’eau lavait les taches du corps, et en second lieu, elle guérissait plusieurs maladies différentes. Dieu, pour nous approcher de la grâce du baptême et nous la faire voir de plus près, a voulu que la piscine ne lavât pas seulement alors les taches, mais qu’elle guérît aussi les maladies. En effet, les figures les plus voisines en date de la vérité, ou du temps du baptême, de la passion et des autres mystères, sont plus claires et plus lumineuses que les plus anciennes. Et comme les gardes qui approchent de près la personne du roi, sont plus élevés en dignité que ceux qui en sont plus éloignés, ainsi les figures qui sont venues dans un temps plus proche et plus voisin des choses qu’elles marquaient, sont plus claires et plus brillantes.
« Et l’ange descendant dans cette piscine, en remuait l’eau (4) », et lui communiquait 1a vertu de guérir les malades ; afin que les Juifs apprissent qu’à plus forte raison le Seigneur des anges peut guérir toutes les maladies de l’âme. Mais comme l’eau de cette piscine n’avait pas en elle-même et par sa nature la vertu de guérir simplement les maladies, car alors elle les aurait toujours et continuellement guéries, mais l’acquérait par l’opération de fange ; de même, en nous l’eau n’opère pas simplement et par sa propre vertu, mais après qu’elle a reçu la grâce du Saint-Esprit, elle lave, elle efface alors tous les péchés.
« Autour de cette piscine étaient couchés un grand nombre de malades, d’aveugles, de boiteux et de ceux qui avaient les membres « desséchés, qui tous attendaient que l’eau fût remuée (3) ». Alors la maladie était elle-même un obstacle à la guérison du malade, elle empêchait, de se guérir celui qui le voulait mais maintenant chacun a le pouvoir d’approcher et de venir à la piscine. Ce n’est point un ange qui en remue l’eau ; c’est le Seigneur des anges qui opère tout qui fait tout. Et nous ne pouvons pas dire : « Pendant le temps que je mets à y aller, un autre descend avant moi (7) ». Quand même tout le monde entier y viendrait, la grâce ne s’épuise point, ni sa vertu ; elle demeure toujours la même. Et : de même que les rayons du soleil éclairent tous les jours le monde sans s’épuiser, et ne perdent rien de leur lumière pour se répandre en plusieurs endroits de la terre ; ainsi, à plus forte raison, la grâce du Saint-Esprit ne diminue point par la multitude de ceux qui la reçoivent. Or Dieu a opéré ce prodige afin que ceux qui apprendraient que l’eau a le pouvoir de guérir les maladies du corps, et qui en auraient eux-mêmes fait l’épreuve depuis longtemps, eussent plus de facilité à croire que les maladies de l’âme pouvaient aussi se guérir.
Mais pourquoi donc Jésus-Christ, laissant tous les autres malades, s’approcha-t-il de celui qui l’était depuis trente-huit ans ? Pourquoi lui fait-il cette question : « Voulez-vous être guéri (5, 6) ? » Ce n’était pas pour l’apprendre qu’il lui fit cette demande, elle aurait été inutile ; mais c’était pour faire connaître la persévérance de cet homme, et pour nous montrer que c’était là la raison pour laquelle, préférablement aux autres, il était venu à celui-là. Que dit donc le malade ? « Il lui répondit : Seigneur, je n’ai personne pour me jeter dans la piscine après que l’eau a été troublée : et pendant le temps que je mets, à y aller, un autre y descend avant moi (7) ». Jésus l’interrogea donc, et lui dit : « Voulez-vous être guéri ? » Afin que nous apprissions ces circonstances. Et il ne lui dit pas : Voulez-vous que je vous guérisse ? parce qu’on n’avait pas encore de lui une si grande opinion, mais : « Voulez-vous être guéri ? » Certes, elle est tout à fait admirable la persévérance de ce paralytique : depuis trente-huit ans, espérant chaque année d’être délivré de sa maladie, il demeura dans ce lieu et n’en sortit point. Mais s’il n’eût été très-patient, quand même des années d’attente ne l’auraient point lassé, la perspective d’une attente nouvelle ne l’aurait-elle pas rebuté ? Pensez avec quel soin veillaient les autres malades ; car on ne savait pas le temps où l’eau serait troublée. Les boiteux et les estropiés pouvaient observer le moment ; quant aux aveugles, ils en étaient peut-être informés par l’agitation générale.
2. Rougissons donc, mes très-chers frères, rougissons et répandons des larmes sur notre prodigieuse lâcheté. Cet homme a persévéré