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envoyés, et qu’il y a beaucoup d’affinité entre l’ancienne et la nouvelle loi ; et tout cela il le fait par cette parabole. Il cite encore ce proverbe qui était dans la bouche de tout le monde : « Car », dit-il, « ce que l’on dit d’ordinaire est vrai en cette rencontre : que l’un sème et l’autre moissonne (37) ». En effet, plusieurs disaient : Quoi ! les uns ont eu toute la peine, et les autres ont recueilli tout le fruit ? Et Jésus-Christ dit que cette parole trouve ici sa juste application : les prophètes ont travaillé, et vous, vous recueillez le fruit de leurs travaux. Il n’a point dit la récompense, car ils n’ont pas accompli gratuitement un si grand travail ; il dit seulement : le fruit.
Daniel s’est vu dans le même cas ; il cite ce proverbe : « C’est aux méchants à faire le mal[1]. David aussi, en répandant des larmes, rappelle le même proverbe[2]. (1Sa. 24,14) Jésus-Christ avait déjà dit auparavant : « Ainsi que celui qui sème soit dans la joie, aussi bien que celui qui moissonne ». Comme il devait dire que l’un sèmerait et l’autre moissonnerait, afin qu’on ne crût pas, comme j’ai dit, que les prophètes seraient privés de leur récompense, il ajoute quelque thèse de tout nouveau et à quoi on ne pouvait pas s’attendre, quelque chose qui n’arrive point dans les choses sensibles, irais qui distingue les choses spirituelles. Car s’il arrive dans les choses sensibles que l’un sème et que l’autre moissonne, le semeur et le moissonneur ne sont pas ensemble dans la joie ; mais l’un est dans la tristesse d’avoir travaillé pour l’autre, et celui-ci est seul dans la joie. Or, ici il n’en est pas de même : ceux qui ne moissonnent pas ce qu’ils ont semé sont dans la joie comme ceux qui moissonnent ; d’où il est visible qu’ils participent tous à la récompense. « Je vous ai envoyé moissonner ce qui n’est pas venu par votre travail : d’autres ont travaillé, et vous êtes entrés dans leurs travaux (38) ». Par ces paroles Jésus-Christ les excite et les encourage davantage. S’il paraissait dur et pénible de parcourir toute la terre et de prêcher, il fait voir au contraire que cela leur serait facile. En effet, ce qui était laborieux et causait de grandes sueurs, c’était d’ensemencer et d’amener à la connaissance de Dieu une âme qui n’en avait nulle idée.
Mais à quelle fin Jésus-Christ dit-il ceci ? Afin que, quand il les enverrait prêcher, ils ne se troublassent et ne se décourageassent point, comme s’ils étaient envoyés à une œuvre laborieuse et bien difficile. La fonction des prophètes était effectivement pénible, leur dit-il ; et les faits confirment ce que je dis, que votre tâche, à vous, est facile. Ainsi que dans la moisson il est facile d’amasser des fruits, et qu’en peu de temps on remplit l’aire de gerbes, sans attendre la saison, ni l’hiver, ni le printemps, ni les pluies ; c’est la même chose ici : les faits l’attestent assez haut. Pendant que Jésus-Christ discourait ainsi avec ses disciples, les Samaritains sortirent de leur ville et arrivèrent ; et le fruit fut amassé sur-le-champ, Voilà pourquoi il disait : « Levez vos yeux et considérez les campagnes qui sont déjà blanches ». Le Sauveur dit ces choses, et l’effet suit aussitôt, la parole. « Il y eut beaucoup de Samaritains de cette ville-là qui crurent en lui sur le rapport de cette femme, qui les assurait qu’il lui avait dit tout ce qu’elle avait jamais fait (39) ». Car ils voyaient bien que ce n’était ni par faveur, ni par complaisance, qu’elle avait loué Jésus, puisqu’il l’avait reprise de ses péchés et qu’elle n’aurait pas découvert ainsi à tout le monde la honte de sa vie pour faire plaisir à quelqu’un.
3. Suivons donc l’exemple de la Samaritaine, et que la crainte des hommes ne nous empêche pas de confesser publiquement nos péchés ; mais craignons Dieu comme il est juste de le craindre : Dieu qui à présent voit nos œuvres, Dieu qui punira un jour ceux qui maintenant ne font pas pénitence. Mais, hélas ! nous faisons tout le contraire : nous ne craignons pas celui qui nous doit juger ; et ceux dont nous n’avons rien à craindre, qui ne nous peuvent faire, aucun mal, nous les redoutons, nous ne craignons rien tant que d’être flétris par eux. Voilà pourquoi nous serons punis en cela même en quoi nous craignons de l’être[3] : car celui qui ne prend garde qu’à n’être point déshonora devant les hommes, et qui ne rougit point de commettre le mal devant Dieu, s’il ne fait pénitence, sera diffamé au jour du jugement, non devant une ou deux personnes, mais aux yeux de tout le monde entier. En effet, que là il se doive trouver une grande assemblée, pour voir

  1. Ou : « Le mal est venu des méchants ».
  2. En disant : « Les impies agiront avec impiété ». Dan. 12,10.
  3. Je rirai à mon tour à votre mort, dit le Seigneur, et je me raillerai lorsque ce que vous craignez sera arrivé, lorsque le malheur un prévu tombera sur vous, etc. Prov. 1,16.