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toujours prêt à s’exposer à toutes sortes de périls. Telle était la Samaritaine : son cœur était si brûlant de la parole de Jésus-Christ qu’elle venait d’entendre, que laissant là sa cruche et l’eau pour laquelle elle est allée à ce puits, elle court à la ville inviter tout le peuple à venir voir Jésus. « Venez », dit-elle, venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai jamais fait ». Remarquez son zèle, remarquez sa prudence : elle était venue puiser de l’eau, et ayant trouvé la véritable source, elle quitte, elle méprise la fontaine terrestre, pour nous apprendre, quoique par un exemple bien humble, que si nous voulons soigneusement nous appliquer à l’étude de la céleste doctrine, nous devons mépriser toutes les choses du siècle et n’en faire aucun cas. Ce qu’ont fait les apôtres, cette femme l’a fait aussi, et même avec plus d’ardeur dans la proportion de son pouvoir. Ceux-là étant appelés, ont abandonné leurs filets, mais celle-ci, volontairement, et sans que personne le lui commande, laisse sa cruche et fait l’office d’évangéliste ; sa joie lui prête des ailes, et elle n’amène pas à Jésus-Christ une ou deux personnes, comme André et Philippe, mais elle met toute la ville en mouvement et lui attire tout le peuple.
Observez avec quelle prudence elle parle. Elle n’a point dit : venez voir le Christ ; mais avec ces mêmes ménagements par lesquels Jésus-Christ avait gagné son cœur, elle attire, elle engage les autres. « Venez », dit-elle, « venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai jamais fait » ; elle n’eut point de honte de dire : « Il m’a dit tout ce que j’ai jamais fait », quoiqu’elle eût pu dire : venez voir le Prophète. Mais quand une âme est embrasée du feu divin, rien de terrestre ne la touche plus, elle est insensible à la bonne et à la mauvaise réputation, elle va où l’emporte l’ardeur de sa flamme. « Ne serait-ce point le Christ ? » Remarquez encore la grande sagesse de cette femme : elle n’assure rien, mais elle ne garde pas non plus le silence. Car elle ne voulait pas les attirer à son opinion par son propre témoignage, mais elle voulait qu’ils vinssent entendre Jésus-Christ, afin qu’ils partageassent tous son sentiment, jugeant bien que, par là, ce qu’elle avait dit acquerrait et plus de force, et plus de vraisemblance. Toutefois Jésus-Christ ne lui avait pas découvert toute sa vie, mais ce qu’elle en venait d’entendre lui fit juger qu’il avait aussi la connaissance de tout le reste. Elle n’a point dit : venez, croyez ; mais, « venez, voyez » ; ce qui, certainement, était moins fort et plus propre à les attirer. L’avez-vous bien remarquée, la sagesse de cette femme ? Elle savait, oui, elle savait à n’en point douter, qu’aussitôt qu’ils auraient goûté de cette eau, il leur arriverait ce qui lui était arrivé à elle-même. Au reste, une personne d’un esprit plus grossier aurait parlé du reproche qu’on lui avait fait dans des termes plus enveloppés ; mais cette femme déclare ouvertement sa vie, et en fait une confession publique pour attirer et gagner tout le monde à Jésus-Christ.
« Cependant ses disciples le priaient de prendre quelque chose, en lui disant : Maître, mangez (31) ». Ces mots : « ils le priaient », signifient dans leur langage : « Ils l’exhortaient ». Voyant qu’il était accablé de chaud et de lassitude, ils l’exhortaient : ce n’était point une liberté trop familière qui les portait à le presser de prendre quelque chose, mais l’amour qu’ils avaient pour leur. Maître. Que leur répondit donc Jésus-Christ ? « J’ai une viande à manger que vous ne connaissez pas (32). Ils se disaient donc l’un à l’autre : « Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? (33) » Pourquoi donc vous étonnez vous qu’une femme, entendant nommer l’eau, ait cru qu’il s’agissait d’eau naturelle, lorsque les disciples eux-mêmes n’ont pas d’autres sentiments et ne s’élèvent à rien de spirituel ; ils doutent, tout en montrant, selon leur coutume, la vénération, et le profond respect qu’ils ont pour leur Maître, et discourent ensemble sans oser l’interroger. Ils font de même dans une autre occasion, où, souhaitant de lui demander la raison d’une chose, ils s’en abstiennent pourtant. Que dit encore Jésus-Christ ? « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé, et d’accomplir son œuvre, (34) ». Ici Jésus-Christ appelle sa nourriture le salut des hommes, en quoi il nous montre le soin extrême qu’il a de nous, et la grandeur de sa divine Providence. Car cet ardent désir que nous avons des, choses nécessaires à la vie, Dieu l’éprouve à l’égard de notre salut.
Mais faites attention à ceci : d’abord, Jésus-Christ ne découvre pas tout, mais premièrement il met l’auditeur en suspens, il le jette dans le doute, afin qu’après avoir commencé