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Au reste, je ne dis pas ceci pour vous détourner d’acheter des livres ; au contraire, je vous en loue, et je souhaite que vous en ayez ; mais je voudrais que vous en eussiez assez présents dans votre esprit, et le texte et le sens, pour en être purifiés. Car si le diable n’est pas assez hardi pour entrer dans une maison où l’on garde le livre des saints évangiles, le démon ou le péché oseront beaucoup moins approcher d’une âme instruite et remplie de ces divins oracles.
Sanctifiez donc votre âme, sanctifiez votre corps : ayez les paroles de l’Écriture continuellement à la bouche et dans le cœur. Si les paroles déshonnêtes souillent et appellent les démons, certes, il est visible que la lecture spirituelle sanctifie et attire la grâce spirituelle. Les Écritures sont comme des enchantements divins : chantons-les donc en nous-mêmes, et appliquons ces remèdes aux maladies de notre âme. Si nous comprenions bien ce qu’on nous lit, nous l’écouterions avec beaucoup de soin et d’attention. Toujours je vous le dis et je ne cesserai point de vous le dire. N’est-il pas honteux que ; pendant qu’on voit sur la place publique des gens rapporter avec une étonnante mémoire les noms des cochers[1] et des danseurs, leur extraction, leur patrie, leurs talents et même les bonnes et les mauvaises qualités des chevaux ; ceux qui s’assemblent dans ce temple ne sachent rien de ce qui s’y dit et de ce qui s’y fait, et ignorent même le nombre des livres de la sainte Écriture ? Si c’est le plaisir que vous y trouvez qui vous engage à apprendre les choses que j’ai dites, je vous ferai voir qu’on en goûte ici un plus grand. Car lequel, je vous prie, est le plus réjouissant, lequel est le plus admirable, ou de voir un homme lutter contre un homme, ou de voir un homme combattre contre le diable, et un corps disputer la victoire à une puissance incorporelle, et la remporter ? Contemplons ces sortes de combats, ces combats, dis-je, qu’il est beau et utile d’imiter, et dont l’imitation nous procure une couronne ; mais fuyons ces combats qui rendent infâmes ceux qui s’y exercent ; vous la verrez, cette lutte contre les démons : vous la verrez avec les anges et le Seigneur des anges, si vous daignez y porter vos regards.
Dites-moi, mon cher auditeur, si les rois et les princes vous faisaient asseoir auprès d’eux pour vous faire mieux jouir du spectacle, ne regarderiez-vous pas cela comme un très-grand honneur ? Ici donc, où l’on voit, avec le Roi des anges, le diable lié et garrotté, se débattre et s’efforcer vainement de rompre ses liens, pourquoi n’accourez-vous pas à ce spectacle ? « Vous vaincrez, vous lierez le diable », si vous avez entre vos mains le livre de l’Écriture. Palestres, courses, côtés faibles de l’ennemi, artifices du juste, ce livre vous enseignera tout cela. Si vous savez contempler ces spectacles, vous apprendrez vous-mêmes l’art de combattre, et vous vaincrez, et vous terrasserez les démons. Au reste, ces autres spectacles que vous fréquentez, sont des fêtes et des assemblées de démons, et non des théâtres à l’usage des hommes. S’il n’est pas permis d’entrer dans le temple des idoles, il l’est encore moins d’assister aux assemblées de Satan. Voilà ce que je ne cesserai point de redire, au risque de vous importuner, jusqu’à ce que je voie du changement en vous. Car « il ne m’est pas pénible », dit l’Apôtre, « et il vous est avantageux que je vous prêche les mêmes choses ». (Phil. 3,1) Ne trouvez donc pas mauvais que je vous aie fait cette réprimande ; et certes, si quelqu’un devrait s’en chagriner et se fâcher, ce serait bien plutôt moi, qui ne suis point écouté, que vous qui m’entendez toujours et ne faites rien de ce que je dis ; mais à Dieu ne plaise que je sois toujours obligé de vous faire des reproches ! Fasse le ciel que, vous étant délivrés de ce vice honteux, vous noyiez jugés clignes d’assister au spectacle céleste, et de jouir de la gloire future que je vous souhaite, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec lequel gloire soit au Père et au Saint-Esprit, dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

  1. COCHERS. Nous avons déjà observé ailleurs que ces cochers dont parle quelquefois saint Chrysostome sont eaux qui servaient aux jeux publics, et qui menaient leurs chariots avec beaucoup d’adresse et de rapidité, etc.