Samaritains, mais il ne leur a pas dit de repousser, de rejeter ceux qui s’approcheraient d’eux : t’eût été là une recommandation indigne de sa bonté. Voilà pourquoi il répondit ainsi à cette femme. « Si vous connaissiez le don de Dieu, et qui est celui qui vous dit : « Donnez-moi à boire, vous lui auriez peut-être demandé vous-même, et il vous aurait donné de l’eau vive (10) ». Premièrement Jésus lui fait entendre qu’elle mérite d’être écoutée, et de n’être point rejetée, et ensuite il lui découvre qui il est : car tout en apprenant qui est celui qui lui parle, elle sera docile et obéissante, ce que personne ne peut dire des Juifs. En effet, les Juifs ayant appris qui il était, ne lui ont proposé aucune question, ne lui ont fait aucune demande, et ils n’ont point voulu apprendre de lui ce qui leur aurait été utile pour le salut ; au contraire ils le chargeaient d’injures et le chassaient.
Après ces paroles, voyez avec quelle modestie répond cette femme : « Seigneur, vous n’avez point de quoi en puiser, et le puits est profond : d’où auriez-vous donc de l’eau vive (11) ? » Déjà Jésus l’a tirée de la basse opinion qu’elle avait de lui, en sorte qu’elle ne le regardait plus comme un homme du commun. non seulement elle l’appelle Seigneur, mais aussi elle lui parle d’une manière honnête et respectueuse. La suite même fait voir que c’est pour l’honorer qu’elle lui parle ainsi. Car elle ne se moqua point de lui, elle ne lui dit rien de désobligeant, mais seulement elle hésitait encore. Que si d’abord elle n’a pas tout compris, ne vous en étonnez pas. Nicodème lui-même ne comprenait pas ce que lui disait Jésus-Christ. Pourquoi dit-il : « Comment cela se peut-il faire ? » Et encore : « Comment peut naître un homme qui est déjà vieux ? » Et derechef : « Peut-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère pour naître encore ? » Mais cette femme répond avec plus de retenue : « Seigneur, vous n’avez point de quoi en puiser, et le puits est profond : d’où auriez-vous donc de l’eau vive ? » Jésus-Christ disait une chose, elle en pensait une autre, n’entendant que la lettre des paroles, peu capable encore d’en comprendre l’esprit et la sublimité.
Et certes, elle aurait pu répondre avec vivacité : Si vous l’aviez, cette eau vive, vous ne me demanderiez point à boire, vous seriez le premier à boire l’eau que vous avez : vainement donc vous vous vantez. Mais elle ne parle point de la sorte, elle répond avec modestie et au commencement et dans la suite. Au commencement elle dit. « Comment, vous qui êtes juif, me demandez-vous à boire ? » Elle n’a point dit, comme si elle eût parlé à un étranger et à un ennemi : Dieu me garde de vous donner à boire, à vous qui êtes un ennemi de notre nation, un étranger ! Ensuite, l’entendant parler de lui dans ces termes magnifiques qu’irritent par-dessus tout la malveillance, au lieu de se moquer de lui, elle lui dit simplement : « Êtes-vous plus grand que notre père qui nous a donné ce puits et en a bu lui-même, aussi bien que ses enfants et ses troupeaux ? (12) » Ne voyez-vous pas avec quelle adresse elle s’arroge la noble extraction des Juifs ? Mais voici ce qu’elle a voulu dire. Jacob s’est servi de cette eau, il n’a rien eu de meilleur à nous donner. Par là elle fait connaître qu’elle a attaché à la première réponse un sens élevé et sublime ; car quand elle dit : « Il en a bu lui-même, aussi bien que ses enfants et ses troupeaux », elle ne fait entendre autre chose sinon qu’elle a quelque idée, quelque sentiment d’une eau meilleure, que d’ailleurs elle ne tonnait pas bien.
Au reste, ce qu’elle entend, je vais plus clairement vous le développer : vous ne pouvez pas dire que Jacob nous a donné ce puits, mais qu’il s’est servi d’un autre ; car lui et ses enfants en buvaient, et certes ils n’auraient pas bu de cette eau s’ils en avaient eu une meilleure. Or vous-même vous ne sauriez donner de cette eau, et vous ne pouvez en avoir une meilleure, à moins que vous ne vous déclariez plus grand que Jacob. D’où pouvez-vous donc avoir l’eau que vous promettez de nous donner ? Les Juifs au contraire n’usent pas avec lui de si douces paroles, lorsque, les entretenant sur le même sujet, il leur parle de cette eau ; mais aussi ils n’en tirent aucun profit. Quand il fait mention d’Abraham, ils cherchent à le lapider. Cette femme ne se conduisait pas de même à son égard ; mais patiente malgré la chaleur du milieu du jour, elle dit, elle écoute tout avec une très-grande douceur, et elle n’éprouve aucun de ces sentiments que vraisemblablement les Juifs auraient fait éclater, savoir, qu’il était un insensé, un homme hors de son bon sens, qui avait des visions, qui parlait sans cesse d’une fontaine et d’un puits
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