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soin ; car les paroles de l’Écriture sont des armes spirituelles. Mais si nous n’avons pas l’adresse de les bien manier, ni d’en équiper nos disciples comme il faut, elles ne perdent rien, à la vérité, de leur vertu propre, mais elles nous deviennent inutiles. Supposons qu’il y ait ici une forte cuirasse, un casque, un bouclier, une pique : qu’ensuite quelqu’un les prenne, et qu’il se mette la cuirasse aux pieds, le casque non sur la tête, mais sur les yeux, le bouclier, non sur la poitrine, mais sur les jambes : pourra-t-il s’en aider ? ou plutôt n’en sera-t-il pas embarrassé ? Sans aucun doute. Mais ce n’est pas la faute des armes ; c’est la sienne, celle de son ignorance, puisqu’il ne sait ni s’en revêtir ni s’en servir. Il en est de même des saintes Écritures : si nous en confondons l’ordre, elles n’en auront pas moins en soi leur force et leur vertu, mais elles ne nous serviront de rien. J’ai beau vous répéter ces vérités, et en public et en particulier ; c’est peine perdue : toujours je vous vois attachés aux affaires du siècle, toujours je vous vois mépriser les choses spirituelles : voilà pourquoi nous nous mettons peu en peine de bien vivre, et, lorsque nous combattons pour la vérité, nous sommes sans force et nous devenons la fable et la risée des gentils, des Juifs et des hérétiques. Quand bien même vous seriez aussi négligents dans les autres choses, on ne devrait même pas vous le pardonner. Mais dans les affaires séculières chacun de vous est plus subtil et plus perçant qu’une épée, tant l’artisan que le magistrat mais dans les choses nécessaires et spirituelles nous sommes d’une extrême négligence, traitant les bagatelles comme des affaires sérieuses, et n’attachant pas même une importance secondaire aux plus pressants de nos intérêts. Ignorez-vous que ce qui est écrit dans les livres saints ne l’est pas pour les anciens, pour nos pères seulement, mais aussi pour nous ? La voix de saint Paul qui dit : « Tout ce qui est écrit a été écrit pour nous servir d’instruction, à mous autres qui nous trouvons à la fin des temps, afin que nous concevions une espérance ferme par la patience et par la consolation que les Écritures nous donnent » (Rom. 15,4 ; 1Cor. 10,11) ; cette voix, dis-je, n’est-elle pas venue jusqu’à vous ?
Je parle inutilement, je le sais bien ; mais je ne cesserai point de parler. En le faisant, je me justifierai devant Dieu, quand bien même personne ne m’écouterait. Prêcher devant des gens dociles et attentifs, c’est une peine allégée : mais prêcher souvent sans être écouté, et néanmoins, sans se rebuter, prêcher toujours, c’est se rendre digne d’une plus grande récompense ; parce que, quelque dégoût qu’il y ait à n’être point écouté, on ne laisse pas de remplir son ministère selon la volonté de Dieu. Toutefois, quoique votre négligence doive nous procurer une plus grande récompense, nous aimons mieux l’avoir moindre et être plus sûrs de votre salut : car votre avancement et votre profit est une grande récompense à nos yeux. Au reste, si nous vous représentons maintenant ces choses, mes chers frères, ce n’est pas pour vous chagriner ni pour vous faire de la peine, mais pour vous exposer la vive douleur que votre tiédeur nous cause. Puisse le ciel nous guérir tous de ce vice, afin que nos cœurs étant embrasés de l’amour des choses spirituelles, nous acquérions les biens célestes, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui soit la gloire au Père et au Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.