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sois pour cela quelque chose de grand ; ma mission, mes paroles, tout ne tend qu’à faire connaître sa grandeur et son excellence. Car il est le Seigneur et le maître de toutes choses ; ce qu’il déclare encore par les paroles qu’il ajoute : « L’époux est celui à qui est l’épouse ; mais l’ami de l’époux qui se tient debout, et qui l’écoute, est ravi de joie d’entendre la voix de l’époux (29) ». C’est pourquoi celui qui a dit : « Je ne suis pas digne de dénouer les cordons de ses souliers », se dit maintenant son ami, non pour s’élever et se donner des louanges, mais pour montrer combien il a à cœur les intérêts de Jésus-Christ ; que ce qui se passe ne se fait point malgré lui, ni contre sa volonté, mais à son grand contentement ; et qu’il n’a rien dit, qu’il n’a rien fait qui ne tendît à cette unique fin ; voilà ce qu’il fait très-prudemment connaître par le nom d’ami. En effet, dans les mariages les serviteurs de l’époux n’ont ni tant de joie, ni tant de plaisir que ses amis. Jean-Baptiste ne se dit donc pas égal en dignité à l’époux, à Dieu ne plaise ! mais il se dit son ami, pour marquer l’excès de sa joie et pour se mettre à la portée de ses disciples. Il a déjà fait entendre qu’il n’est qu’un envoyé, qu’un ministre, en se disant envoyé devant lui. C’est pourquoi il se dit l’ami de l’époux, et aussi parce qu’il voyait ses disciples souffrir de ce qu’on allait à Jésus-Christ ; par là il leur fait voir que non seulement cela ne lui fait aucune peine, mais encore qu’il s’en réjouît extrêmement.

Puis donc que je suis venu, dit-il, pour travailler et contribuer à ce grand ouvrage, bien loin de m’attrister que tous aillent à Jésus-Christ, j’aurais au contraire une douleur extrême, s’il en était autrement. Si l’épouse n’allait pas trouver son époux, c’est alors que je m’affligerais ; mais non maintenant que je voie réussir mes efforts. Son œuvre s’accomplit, c’est un sujet de gloire ; pour nous ce que nous désirions avec tant d’ardeur se réalise ; l’épouse connaît son époux. Et vous-mêmes, vous m’en rendez témoignage, quand vous me dites : « Tous vont à lui ». Voilà ce que je voulais, et c’est pour cela que j’ai tout fait : aussi, témoin de cet heureux succès, je m’en réjouis, je tressaille, je bondis d’allégresse.

3. Mais que signifient ces paroles : « L’ami de l’époux qui se tient debout, et l’écoute, est ravi de joie » d’entendre « la voix de l’époux ? » Jean-Baptiste se sert ici d’une parabole pour arriver à son sujet. Car en parlant d’époux et d’épouse, il montre comment se font les fiançailles, à savoir : par la parole et par la doctrine ; c’est ainsi que l’Église est fiancée à Dieu. C’est pourquoi saint Paul disait : « La foi vient de ce qu’on a ouï, et on a ouï parce que la parole de Jésus-Christ » (Rom. 10,17) a été prêchée. Cette parole me ravit de joie. Mais à l’égard de ce mot : « Qui se tient debout », ce n’est pas sans intention qu’il s’exprime ainsi, mais pour montrer que son ministère est fini, qu’il faut maintenant qu’il se tienne debout et qu’il écoute après avoir remis l’épouse à son époux : qu’il est le ministre et le serviteur de l’époux, que ses bonnes espérances, que ses vœux sont comblés ; voilà pourquoi il continue ainsi : « Je me vois donc dans l’accomplissement de cette joie » ; c’est-à-dire, j’ai accompli mon œuvre, nous n’avons plus rien à faire. Ensuite, il retient, il renferme dans son cœur la vive douleur qui le presse, en considérant, non seulement les maux présents, mais ceux aussi qui doivent arriver encore. Il en prédit quelque chose et le confirme et par ses paroles, et par ses œuvres, en disant : « Il faut qu’il croisse et que je diminue » ; c’est-à-dire, mon ministère est fini, je dois me retirer et disparaître ; mais pour lui, son temps est arrivé, il doit s’avancer et s’élever ; c’est pourquoi, ce que vous craignez, non seulement va arriver présentement, mais encore s’accroîtra de plus en plus. Et voilà même ce qui illustre le plus notre ministère, et ce qui en fait toute la gloire ; c’est pour cela que j’ai été son précurseur, et je suis ravi de joie de voir que l’œuvre de Jésus-Christ ait un si grand et si heureux succès, et que le but vers lequel ont tendu tous nos efforts, soit désormais atteint.

Ne voyez-vous pas, mes chers frères, avec quelle patience et quelle sagesse Jean-Baptiste apaise la douleur de ses disciples, étouffe leur jalousie et leur fait connaître que s’opposer à l’accroissement de Jésus-Christ, c’est tenter l’impossible ? remède propre, entre tous, à guérir leurs mauvaises intentions. Car si la divine Providence a permis que toutes ces choses arrivassent du vivant de ce saint précurseur, et lorsqu’il baptisait encore, c’est afin qu’il rendît témoignage de la supériorité du Sauveur, et que ses disciples fussent sans excuse, s’ils s’obstinaient à ne pas croire en Jésus-Christ. En effet, ce ne fut pas de lui-