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en d’autres termes : celui que vous avez illustré, et que vous avez rendu célèbre, ose imiter ce que vous faites : ils n’eurent garde de dire : celui que vous avez baptisé : ils auraient été forcés de faire mention de cette voix qui s’était fait entendre d’en haut et aussi de la descente du Saint-Esprit : mais que disent-ils ? « Celui qui était avec vous au-delà du Jourdain, auquel vous avez rendu « témoignage ». C’est-à-dire : celui qui était au nombre de vos disciples, qui n’avait rien de plus que nous, s’est séparé de nous et baptise. Mais ce n’est pas seulement par là qu’ils croyaient pouvoir l’animer contre Jésus, c’est encore en lui insinuant que son baptême serait à l’avenir moins illustre et moins célèbre car, ajoutent-ils, « tous vont à lui ». D’où il paraît visiblement qu’ils ne purent même pas amener à leur sentiment le Juif avec qui ils avaient disputé. Ils parlaient ainsi, parce qu’ils étaient incomplètement instruits et encore sensibles à l’ambition.

Que fit donc Jean-Baptiste ? il ne les reprit pas durement, de crainte qu’en le quittant ils ne se portassent à quelque mauvaise action. Mais que leur dit-il ? « L’homme ne peut rien recevoir, s’il ne lui a été donné du ciel (27) ». Que s’il parle de Jésus-Christ dans des termes trop bas, ne vous en étonnez pas ; il ne pouvait pas tout d’un coup instruire des hommes si prévenus, et qui étaient dans de si mauvaises dispositions. Mais cependant il tâche de les effrayer, et de leur faire connaître que, de combattre contre Jésus, c’était combattre ainsi contre Dieu même. Gamaliel fit la même réponse : « Vous ne pourrez détruire cette œuvre, et vous seriez en danger de combattre contre Dieu même ». (Act. 5,39) L’évangéliste établit la même vérité d’une manière un peu enveloppée. Il fait répondre à ces disciples : « L’homme ne peut rien recevoir, s’il ne lui a été donné, du ciel. » C’est-à-dire, vous tentez l’impossible, et en agissant de la sorte, vous vous mettez en danger de combattre contre Dieu même. Quoi donc ? Théodas (Act. 5,36) n’agissait-il pas par lui-même ? J’en conviens : il agissait véritablement par lui-même ; mais à peine parut-il, qu’il fut anéanti et toute son œuvre avec lui. Mais il n’en est pas ainsi de l’œuvre de Jésus-Christ. Par là, Jean apaise insensiblement ses disciples, en leur faisant voir que ce Jésus, à qui ils osaient s’opposer, n’est pas un homme, mais un Dieu qui les surpasse en dignité, et en gloire. Qu’ainsi, si ses œuvres brillaient et éclataient, si tous allaient à lui, il ne fallait pas s’en étonner, car telles sont les œuvres de Dieu : que celui qui faisait de si grandes choses était un Dieu, autrement ses œuvres n’auraient pas eu tant de force ni tant de vertu. Qu’au reste, les œuvres des hommes se découvrent et se détruisent facilement ; or, il n’en est pas de même pour celles-ci : elles ne sont donc pas des œuvres humaines. Et remarquez comment il tourne contre eux-mêmes ces paroles : « Celui à qui vous avez rendu témoignage », par où ils croyaient l’exciter à perdre Jésus-Christ. Car après leur avoir montré que ce n’était pas par son témoignage que Jésus-Christ était devenu illustre, il leur ferme la bouche en disant : « L’homme ne peut rien recevoir de soi-même, s’il ne lui a été donné du ciel ».

Que veut dire cela ? Si vous admettez mon témoignage, et si vous le croyez véritable, apprenez de même, que ce n’est pas moi que vous devez mettre au-dessus de lui, mais lui que vous devez regarder comme au-dessus de moi. Quel est en effet le témoignage que j’ai porté ? Je vous en prends à témoin : Voilà pourquoi il ajoute : « Vous me rendez vous-mêmes témoignage que j’ai dit : Je ne suis point le Christ, mais : J’ai été envoyé devant lui (28) ». Si donc c’est à cause du témoignage que je lui ai rendu, que vous venez me dire : « Celui à qui vous avez rendu témoignage » ; qu’il vous en souvienne donc de mon témoignage, et vous reconnaîtrez que non seulement il ne l’a point abaissé, mais encore qu’il l’a beaucoup relevé. Mais d’ailleurs ce témoignage ne venait point de moi, il vient de Dieu même, qui le lui a rendu par ma bouche. C’est pourquoi si je vous parais digne de foi, rappelez-vous qu’entre plusieurs autres choses que j’ai dites, j’ai dit aussi que « j’ai été envoyé devant lui ».

Ne voyez-vous pas que Jean-Baptiste fait insensiblement connaître que cette parole est divine ? Car voici ce qu’il veut dire : Je suis un ministre, et je dis ce que m’a ordonné de dire celui qui m’a envoyé ; je ne cherche pas à plaire aux hommes, mais je remplis le ministère que m’a confié son Père en m’envoyant ; ce n’est ni par faveur, ni par complaisance que j’ai rendu ce témoignage ; j’ai dit ce que j’avais mission de dire. Ne croyez donc pas que je