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se sert. Car ces paroles : « Il a tellement aimé », et cette opposition : « Dieu ; le monde », montrent un incomparable amour.
En effet, elle est grande la différence qui est entre Dieu et le monde, ou plutôt elle est immense. Dieu, l’immortel, celui qui est sans principe, qui a une grandeur infinie, a aimé des hommes formés de terre et de cendres, chargés d’une multitude de péchés, qui ne cessaient de l’offenser, dès ingrats : oui, dis-je, voilà ceux qu’il à aimés. Les paroles qui suivent sont aussi fortes, car il ajoute : « Qu’il a donné son Fils unique », non pas un de ses serviteurs, ni un ange, ni un archange. Mais personne n’a jamais marqué tant d’affection, tant d’amour pour son fils même, que Dieu en a eu pour des serviteurs ingrats. Jésus-Christ prédit donc ici sa Passion ; sinon ouvertement, du moins d’une manière enveloppée : maïs l’avantage et le bien qui devait revenir de sa Passion, il le déclare ouvertement : « Afin », dit-il, « que tout » homme « qui croit en lui, ne périsse point mais qu’il ait la vie éternelle ». Jésus-Christ avait dit qu’il sérait élevé, et il avait insinué sa mort. Ces paroles pouvaient causer du chagrin et de la tristesse à Nicodème, lui inspirer à son sujet dès sentiments humains, et lui faire penser que sa mort serait la fin de sa vie. Voyez de quelle façon il rectifie tout cela, en disant que la victime offerte est le Fils de Dieu, le principe et la source de la vie, et de la vie éternelle ; or, celui qui, par sa mort, devait donner la vie aux autres, ne pouvait longtemps demeurer dans la mort. Si ceux qui croient en Jésus-Christ crucifié ne périssent point, bien moins périra-t-il celui qui est crucifié. Celui qui tire les autres de leur perte doit lui-même être bien plus exempt de périr ; celui qui donne la vie aux autres, à plus forte raison se la donnera-t-il à lui-même.
Ne voyez-vous pas, mes chers frères, que partout on a besoin de la foi ? car Jésus-Christ dit que la croix est une source et un principe de vie. La raison ne l’admettra pas facilement témoin les sarcasmes actuels des gentils. Mais la foi qui s’élève au-dessus de la faiblesse de la raison, croit et reçoit cette vérité. Et d’où vient que Dieu a tant aimé le monde ? d’où cela vient-il ? Uniquement de sa bonté.
3. Qu’un si grand amour nous couvre donc de honte ; qu’an si grand excès de bonté nous lasse donc rougir. Dieu, pour nous sauver, n’a même pas épargné son propre Fils (Rom. 8,32), et nous épargnons nos richesses pour notre perte. Dieu adonné pour nous son Fils unique, et nous ne méprisons pas l’argent pour son amour, ni même pour notre bien et notre avantage. Une pareille conduite, une ingratitude si extrême, de quel pardon est-elle digne ? Si nous voyons un homme s’exposer pour nous aux périls et à la mort, nous le préférons à tous les autres, nous le considérons même comme notre ami le plus intime, nous lui donnons tous nos biens et nous disons qu’ils sont plus à lui qu’à nous-mêmes, et encore ne croyons-nous pas nous, être assez libérés envers lui. Mais, à l’égard de Jésus-Christ, nous ne nous conduisons pas de même, nous n’avons pas un cœur si reconnaissant. Jésus-Christ a donné sa vie pour nous, et il a répandu pour nous son précieux sang ; pour nous, dis-je, êtres sans bonté et sans amour pour lui. Mais nous, notre argent, nous ne le dépensons même pas pour notre utilité ; nous abandonnons celui qui est mort pour nous, nous le laissons nu, nous le laissons sans logement et qui nous délivrera du supplice au jugement futur ? Si Dieu ne nous punissait pas, si c’était à nous à nous punir nous-mêmes, ne prononcerions-nous pas l’arrêt contre nous ? ne nous condamnerions-nous pas au feu de l’enfer, pour avoir méprisé et laissé se consumer de faim celui qui a donné sa vie pour nous ?
Et pourquoi m’arrêter à parler de l’argent et des richesses ? Si nous avions mille vies, n’aurait-il pas fallu les offrir toutes pour Jésus-Christ ? Et en cela même nous n’aurions encore rien fait qui fût comparable au bien que nous avons reçu. En effet, celui qui oblige le premier, donne une marque évidente de sa bonté, mais celui qui a reçu un bienfait, quoiqu’il donne ensuite, ne fait pas une grâce : il s’acquitte d’une dette, et surtout lorsque celui qui donne le premier fait ce bien à des gens qui sont ses ennemis, et que celui qui use de retour et de reconnaissance donne à son bienfaiteur des biens qu’il lui doit, et qu’il doit recouvrer un jour.
Mais toutes ces choses ne nous touchent pas, et nous sommes si ingrats, que lors même que nous couvrons d’or nos serviteurs, nos mules, nos chevaux, nous méprisons Notre-Seigneur, nous le laissons marcher nu dans les rues, demander son pain de porte en porte, debout dans les carrefours, et nous tendre les mains,