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et de la purification qui devait un jour arriver, et qui les annonçaient d’avance ; les oracles mêmes des prophètes prédisaient en quelque sorte cette nouvelle manière de naître, comme par exemple, ces paroles : « La postérité à venir sera annoncée par le Seigneur, et les cieux annonceront sa justice au peuple qui doit naître » dans la suite ; « au peuple qui a été fait par le Seigneur ». (Ps. 21,34) Et celles-ci : « Il renouvelle sa jeunesse comme celle de l’aigle ». (Ps. 102,5) Ces autres : « Jérusalem, recevez la lumière : car voilà que votre roi est venu ». (Is. 60,1) Et encore : « Heureux sont ceux à qui les iniquités ont été remises ». (Ps. 31,1) Isaac était aussi une figure de cette naissance.
Dites, ô Nicodème ! dites-le-nous : comment Isaac est-il né ? Est-ce purement selon la loi de la nature ? Non : donc cela s’est fait d’une manière qui tenait et de la naissance naturelle, et de la nouvelle naissance, car Isaac est né d’un mariage, et d’autre part il n’est pas simplement né du sang. Et moi, je vous ferai voir que non seulement cette naissance, mais encore l’enfantement de la Vierge, ont été prédits et annoncés d’avance par les prodiges figuratifs dont je viens de parler. Comme personne n’aurait pu facilement croire qu’une Vierge enfantât, premièrement les femmes stériles, et non seulement les femmes stériles, mais encore les vieilles ont enfanté. Et toutefois, qu’une femme soit formée d’une côte, c’est quelque chose de plus merveilleux et de plus étonnant : mais comme ce prodige était très ancien, une autre espèce d’enfantement a paru dans la suite : et la fécondité des femmes stériles a préparé les esprits à croire à l’enfantement de la Vierge ; c’est pour rappeler ces célèbres événements à Nicodème que Jésus-Christ lui disait : « Quoi ! vous êtes maître en Israël, et vous ignorez ces choses ? Nous disons ce que nous savons, et nous rendons témoignage de ce que nous avons vu, et cependant personne ne reçoit notre témoignage ». Jésus-Christ ajouta ces choses, et pour prouver encore par d’autres exemples ce qu’il avait dit, et pour s’accommoder à sa faiblesse.
3. Mais que signifient ces paroles : « Nous disons ce que nous savons, et nous rendons témoignage de ce que nous avons vu (11) ? » Comme de tous les sens, la vue est celui qui nous persuade le plus, comme lorsque nous voulons qu’on nous croie, nous élisons que nous n’avons pas entendu de nos oreilles, mais que nous avons vu de nos propres yeux ; voilà pourquoi Jésus-Christ, parlant à Nicodème, emprunte le langage des hommes et leur façon de parler ; il l’emprunte pour persuader ce qu’il dit : mais que cela soit ainsi, que telle ait été son unique intention, et qu’il ne veuille pas parler de la vue sensible, ses propres paroles le font voir visiblement. Il avait dit : « Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit », il ajoute : « Nous disons ce que nous savons, et nous rendons témoignage de ce que nous avons vu ». Mais cela n’était point encore arrivé. Pourquoi dit-il donc : « Ce que nous avons vu ? » N’est-il pas évident qu’il parle de cette exacte et parfaite connaissance qui ne peut se tromper ? « Et cependant personne ne reçoit notre témoignage. » Ce mot donc : « Ce que nous savons », Jésus-Christ le dit ou de soi et de son Père, ou de soi seulement ; mais celui-ci : « Personne ne reçoit », il ne le dit pas maintenant pour marquer sa colère et son indignation, mais seulement pour faire connaître ce qui se passe. Car il n’a point dit : Est-il rien de plus insensible que vous ? Quoi ! vous ne recevez pas ce que nous vous expliquons avec tant de soin et d’exactitude ? Il montre au contraire une très-grande modération et dans ses actions, et dans ses paroles ; il ne dit rien d’approchant, mais il prédit avec douceur ce qui en arriverait, et nous donne à nous cet exemple d’une extrême patience, afin que nous ne soyons ni fâchés, ni chagrins, lorsque nous ne persuadons pas ceux à qui nous parlons.
En effet, que sert de se fâcher ? on n’y gagne rien ; au contraire, on s’aliène les esprits, on les rend plus opiniâtres dans leur incrédulité. C’est pourquoi il faut bien se garder de se fâcher : il faut s’attacher à rendre digne de foi ce qu’on dit, en s’abstenant non seulement de se mettre en colère, mais aussi de se répandre en clameurs ; car des clameurs naît la colère. Arrêtons dune le cheval, pour renverser le cavalier. Coupons les ailes à la colère, et nous comprimerons son essor. Elle est un venin subtil, qui s’insinue facilement, et qui infecte l’âme. Il faut donc lui fermer toutes les portes. Il serait ridicule d’adoucir et d’apprivoiser des bêtes, et de négliger notre âme, de la laisser devenir brutale et farouche. La colère est un grand feu qui dévore tout : elle