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gémissez : la menace que vous venez d’entendre fait trembler, cette sentence est terrible. « Celui », dit Jésus-Christ, « qui n’est pas né de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume des cieux », parce qu’il porte un vêtement de mort, c’est-à-dire de malédiction et de corruption : il n’a pas encore reçu le symbole du Seigneur[1]. il est un étranger et un ennemi. Il n’a pas le signe royal : « Si un homme », dit-il, « ne naît de l’eau et de l’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume des cieux ».
Mais Nicodème ne l’a pas pris en, ce sens. Sur quoi je dis qu’il n’est rien de pire que de se livrer aux raisonnements humains dans les choses spirituelles ! Voilà ce qui a empêché cet homme de s’élever à quelque chose de grand et de sublime. Nous sommes appelés fidèles, afin que, méprisant la faiblesse des raisonnements humains, nous nous élevions à la sublimité de la foi, et que nous confiions notre trésor et nos biens à cette doctrine. Si Nicodème l’avait fait, cette régénération ne lui aurait pas paru impossible. Que dit donc Jésus-Christ ? Pour le tirer de ce sentiment bas et rampant, et pour montrer qu’il parle d’une autre génération, il dit : « Si un homme ne naît de l’eau et de l’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume des cieux ». Or, il parle ainsi pour l’amener à la foi par cette menace, pour le convaincre qu’il ne doit pas croire que ce soit là une chose impossible, et pour le tirer de la pensée d’une génération charnelle. Je parle, dit-il, d’une autre naissance, ô Nicodème ! pourquoi, ce que je dis, l’abaissez-vous jusqu’à terre ? Pourquoi, ce qui est au-dessus de la nature, le soumettez-vous aux lois de la nature ? cette naissance surpasse la naissance ordinaire, elle n’a rien de commun avec nous. L’autre est également appelée naissance ; mais ces deux naissances n’ont rien de commun entr’elles que le nom, elles diffèrent dans la chose. Éloignez de votre esprit l’idée des générations ordinaires : j’introduis dans le monde une autre sorte de naissance. Je veux que les hommes soient engendrés d’une autre manière ; j’apporte un autre mode de création. J’ai formé l’homme de la terre et de l’eau, cette figure de terre et d’eau n’a rien produit de bon ; le vase a pris une mauvaise forme. Je ne veux plus me servir de terre et d’eau, mais de l’eau et de l’Esprit.
Que si quelqu’un me fait cette question Comment de l’eau peut-il se faire quelque chose ? Je lui en ferai une autre, et je lui dirai : comment de la terre s’est-il pu faire quelque chose ? comment la génération a-t-elle pu être si multiple, les productions si diverses, quand la matière qui a été employée était d’une seule espèce ? D’où se sont formés les os, les nerfs, les artères, les veines ? D’où se sont formés les membranes, les vaisseaux organisés, les cartilages, les tuniques, le foie, la rate, le cœur ? D’où s’est formée la peau, le sang, la pituite, la bile ? D’où viennent tant d’opérations ? d’où se produisent tant de différentes couleurs ? car ces choses ne naissent pas de ! a terre ou de la boue. Comment la terre ensemencée pousse-t-elle là semence au-dehors, et la chair corrompt-elle ce qu’elle reçoit ? comment la terre nourrit-elle ce qu’on jette dans son sein ; et la chair au contraire est-elle nourrie de ce qu’elle reçoit, loin de le nourrir ? Donnons un exemple : la terre ayant reçu de l’eau en a fait du vin, et la chair change en eau le vin qu’elle reçoit. D’où sait-on donc que c’est la terre qui produit ces choses, puisque dans ces productions, comme j’ai dit, la terre produit un effet tout contraire ? Je ne puis le concevoir par le raisonnement, je ne le conçois donc, et je ne le sais que par la foi seulement ; or, si les choses mêmes qui se font tous les jours, qui se passent sous nos yeux, sous nos sens, et que nous touchons et manions de nos mains, ont besoin de la foi, à combien plus forte raison des choses mystérieuses et spirituelles en auront-elles besoin ? car comme la terre, tout inanimée et immobile qu’elle est, a reçu de Dieu, par le commandement qu’il lui en fait, la vertu de produire des choses si admirables et si merveilleuses, de même de l’Esprit et de l’eau joints ensemble s’opèrent facilement tous ces prodiges et ces miracles, qui surpassent la raison.
2. Ne refusez donc pas de croire ce que vous ne voyez pas. Vous ne voyez point l’âme, et néanmoins vous croyez qu’il y a une âme, et une âme distincte du corps. Mais Jésus-Christ n’emploie pas cet exemple pour instruire Nicodème, il se sert d’un autre. Il ne lui propose pas celui-ci, qui est incorporel et insensible, savoir : l’exemple de l’âme, parce que Nicodème était encore trop grossier. Il lui présente donc un autre exemple, emprunté à une chose qui certainement n’a pas la grossièreté des

  1. Le symbole du Seigneur, c’est-à-dire, la foi, la grâce.