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autres avaient déjà fait mention, et il y en a aussi qu’ils ont omis tous ensemble.
Je ne dis pas ceci sans sujet, je le dis pour réprimer l’impudence des gentils. Car ce que je viens d’exposer sur le caractère des évangélistes suffit pour montrer leur zèle et leur amour pour la vérité, et pour prouver qu’ils n’ont rien écrit par faveur ou par complaisance. Vous pourrez vous servir de cette raison, entre autres, pour les réfuter. Mais donnez-y tous vos soins et toute votre attention il serait absurde et honteux, quand on voit les médecins, les corroyeurs, les tisserands, en un mot les hommes de toute profession apporter tous leurs soins à plaider la cause de leur industrie, que celui qui se vante d’être chrétien ne pût pas même dire un seul mot pour la défense de sa foi. Cependant, si un artisan néglige de faire valoir son talent, il ne risque que de perdre de l’argent ; mais, en négligeant de défendre sa foi, c’est son âme que l’on tue. Et cependant nous sommes dans de si misérables dispositions, que nous donnons à la première de ces choses toute notre application ; et qu’à l’égard de ces soins nécessaires, qui sont le fondement de notre salut, nous les négligeons, nous les méprisons comme s’ils n’avaient aucune importance.
4. Voilà, mes frères, voilà ce qui fait que les gentils persistent à prendre au sérieux leurs erreurs ; car eux, qui ne se fondent et ne s’appuient que sur le mensonge, n’omettent rien pour colorer et couvrir la turpitude de leurs dogmes ; et nous, au contraire, qui faisons profession d’aimer et de suivre la vérité, nous ne savons même pas ouvrir la bouche pour la défendre ; comment de là ne prendraient-ils pas occasion d’accuser notre doctrine de faiblesse ? Comment ne regarderaient-ils pas notre religion comme fausse et insensée ? Comment ne blasphémeraient-ils pas Jésus-Christ comme un fourbe et un séducteur, qui a su profiter de la folie de plusieurs pour nous tromper tous ? Oui, mes chers frères, oui, c’est nous qui sommes la cause de ces blasphèmes, pour n’avoir pas voulu consacrer nos veilles à étudier les preuves qui servent à défendre notre religion, pour avoir négligé cette occupation comme une chose superflue et inutile, et ne nous être attachés qu’aux biens de la terre. Et certes, celui qui aime un danseur, ou un cocher[1], ou un athlète qui se prépare à combattre contre les bêtes, met tout en œuvre et n’oublie rien pour qu’ils soient victorieux dans leurs combats ; il les loue extrêmement, il est tout prêt à les défendre contre ceux qui osent les blâmer, et charge de mille injures leurs ennemis. Mais quand il s’agit de la défense du christianisme, tous baissent la tête, se grattent, bâillent et s’en vont bafoués.
De quelle indignation, de quelle horreur n’êtes-vous pas dignes, vous qui faites état d’un danseur plus que de Jésus-Christ ? Quoi ! vous êtes tout prêt à défendre par mille raisons ces sortes de gens, encore qu’ils soient les plus infâmes de tous les hommes, et quand il s’agit de prendre la défense des miracles de Jésus-Christ qui ont converti l’univers, on ne voit même pas que vous y pensiez un instant, ni que vous vous en mettiez en peine. Nous croyons en Dieu le Père, en Dieu le Fils, en Dieu le Saint-Esprit, en la résurrection de la chair, en la vie éternelle. Si donc quelque gentil vous interroge et dit : Qui est ce Père ? Qui est ce Fils ? Qui est ce Saint-Esprit ? Et comment, vous qui dites qu’il y a trois Dieux, nous reprochez-vous d’admettre la pluralité des dieux ? Que direz-vous ? que répondrez-vous ? Comment repousserez-vous cette objection ? Et encore : Que répondrez-vous, si votre silence leur donne lieu de vous faire cette autre question : Quelle est cette résurrection ? Est-ce dans ce corps que nous ressusciterons ? Est-ce dans un autre ? Si c’est dans celui-ci, quel besoin a-t-il de se dissoudre ? A ces questions, que répondrez-vous ? Mais que répliquerez-vous s’il vous objecte ceci : Pourquoi Jésus-Christ n’est-il pas venu plus tôt ? N’est-ce qu’à présent qu’il s’avise de prendre soin du genre humain, et l’a-t-il négligé dans tout le temps passé ? Et s’il vient à examiner plusieurs autres articles de notre foi, que lui repartirez-vous ? Je n’en dis pas davantage : il ne convient pas de multiplier les questions sans en donner la solution, de peur qu’elles ne soient un sujet de scandale et de chute pour les simples. En effet, en voilà assez pour vous tirer de votre profond assoupissement.
Eh bien ! si l’on vous fait donc ces questions et que vous ne soyez pas même en état d’en comprendre les termes, pensez-vous, je vous prie, que vous serez légèrement punis, vous

  1. Ces cochers, dont parle ici saint Chrysostome, étaient ceux qui dans les jeux publics du cirque disputaient avec leurs concurrents, à qui remporterait le prix de la course des chariots.