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qui, mendiant son pain, souffrant la faim continuellement, se glorifierait d’avoir eu une fois pendant la nuit un songe agréable. Malheureux et misérable que vous êtes, quoi ! votre âme est infectée d’une très dangereuse maladie, vous êtes dans la plus extrême pauvreté, et vous Nous enorgueillissez de posséder tant et tant de talents d’or, d’avoir une foule de serviteurs à vos ordres ? Mais ces choses ne sont point à vous ; si vous ne m’en croyez pas, consultez l’expérience de ceux qui ont été riches avant vous. Mais si vous êtes si ivre, que l’exemple d’autrui né soit pas capable de vous instruire, attendez un peu, et votre propre expérience vous apprendra que vous ne retirerez de ces prétendus biens aucun avantage, lorsqu’au lit de mort, ne disposant plus d’une heure ni d’un seul moment, vous serez obligé de les laisser malgré vous à ceux qui seront là, et souvent à des personnes à qui vous ne voudriez pas les donner. Plusieurs, en effet, n’ont pas eu le pouvoir d’en disposer à leur gré ; ils sont morts subitement, et lorsqu’ils désiraient le plus d’en jouir, ils ne l’ont pu enlevés, arrachés de force, ils ont été contraints de les laisser à d’autres, à qui certainement ils n’auraient pas voulu les donner.

De peur donc qu’un pareil malheur ne vous arrive, dès maintenant, dès aujourd’hui que nous sommes en santé, envoyons ces biens en notre patrie ; c’est seulement de cette manière que nous pourrons en jouir. Par là, nous les mettrons en dépôt dans un asile sûr et inviolable. Là-haut, en effet, on ne trouve aucune des choses qui peuvent y porter atteinte ; là[1], ni mort, ni testaments, ni héritiers, ni calomnies, ni pièges : mais celui qui sort de ce monde, chargé de bien, en jouira toujours. Quel est l’homme si misérable qui ne veuille pas vivre éternellement dans les délices avec ses richesses ? Transportons-les donc, nos richesses, déposons-les dans le ciel. Il ne nous faut pour ce transport ni ânes, ni chameaux, ni chariots, ni navires. Dieu nous a délivrés de toute difficulté, de tout embarras ; nous n’avons besoin que des pauvres, des boiteux, des aveugles, des malades. C’est à ceux-là que revient la charge d’opérer ce transport ; ce sont eux qui font passer nos richesses dans le ciel ; ce sont eux qui ouvrent l’héritage des biens éternels aux possesseurs de pareilles richesses. Fasse le ciel que nous en jouissions tous, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui la gloire soit au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles. Ainsi sait-il.

  1. Voyez saint Matthieu, chap. 6,19 et 20.