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porter à aimer les pauvres ? Cependant vous voyez qu’outre cet honneur, il vous promet encore, lorsqu’il sera assis sur le trône de son Père, et que tous les hommes seront au pied de son tribunal, de vous louer devant toute la terre, et de publier que c’est vous qui l’avez nourri, qui l’avez logé, et qui l’avez revêtu lorsqu’il était pauvre. Il ne rougit point de se rabaisser dans sa gloire, afin de contribuer à la vôtre.
Si les uns sont punis si rigoureusement, c’est par une grande justice, et ce sont leurs péchés qui les condamnent : Et si les autres sont si glorieusement récompensés, c’est par une grande miséricorde, et c’est la grâce qui les couronne qui les a prévenus de sa bonté. Quand ils auraient fait mille actions de vertu ; ce ne peut être que l’ouvrage de la grâce de rendre de si grands biens pour des choses si petites, et de récompenser des actions si légères et d’un moment, d’un poids éternel de gloire et de tout le bonheur du paradis.
3. Jésus, ayant achevé tous ces discours, dit à ses disciples : « Vous savez que la Pâque se fait dans deux jours, et que le Fils de l’homme sera livré pour être crucifié ». (24, 1-2) Vous voyez, mes frères, que Jésus-Christ prend encore l’occasion de parler de ses souffrances aussitôt qu’il a parlé du royaume éternel des bienheureux et des peines infinies des réprouvés. Il semble que par là il dise à ses apôtres : Pourquoi craignez-vous les maux si courts de cette vie, puisque vous savez qu’on vous a préparé des biens qui ne finiront jamais ?
Mais considérez de quelle adroite précaution il enveloppe, pour en adoucir le coup, cette nouvelle qu’il savait leur devoir être si affligeante. Car il ne dit pas ici tout simplement qu’il sera livré dans deux jours, mais « que la Pâque se fera dans deux jours, et que le Fils de l’homme sera livré ensuite pour être crucifié », pour montrer que ce qui allait se passer était un grand mystère, et une fête que toute la terre célébrerait dans tous les siècles. Il voulait encore, par là, faire connaître qu’il savait tout, et que l’avenir lui était présent. C’est pourquoi, croyant que cela leur suffisait pour leur consolation, il ne leur parle point ensuite de sa résurrection, comme il faisait dans toutes les autres occasions. Il était superflu de leur en parler encore ici après l’avoir fait tant de fois. D’ailleurs, comme la Pâque des Juifs rappelait dans leur mémoire tant de miracles que Dieu avait faits autrefois en leur faveur, il leur découvre de même que sa passion délivrerait les hommes d’une infinité de maux, et qu’elle deviendrait la source de tous les biens.
« En même temps les princes des prêtres, les docteurs de la Loi, et les sénateurs du peuple Juif s’assemblèrent dans la salle du grand prêtre appelé Caïphe (3) ; et tinrent conseil ensemble pour trouver moyen de se saisir de Jésus avec adresse, et de le faire mourir (4). Et ils disaient : Il ne faut point que ce soit pendant la fête, de peur qu’il ne s’excite quelque tumulte parmi le peuple (5) ». Considérez, mes frères, l’iniquité déplorable de la conduite et du gouvernement des Juifs. Lorsqu’ils entreprennent de faire l’action la plus détestable qui fut jamais, ils commencent par consulter le grand Prêtre, afin que le crime fût autorisé par celui-là même qui aurait dû l’empêcher.
Vous me demanderez peut-être combien il y avait de ces grands prêtres ? La Loi défendait qu’il y en eût plus d’un. Cependant il y en avait plusieurs alors, ce qui fait assez voir dans quelle dissolution et vers quelle ruine se précipitaient les affaires des Juifs. Car Moïse avait expressément ordonné qu’il n’y eût qu’un grand prêtre, et que, lorsqu’il serait mort, on en choisirait un autre en sa place. Et c’était comme vous savez au temps de cette élection que finissait l’exil de ceux qui avaient été bannis pour avoir tué quelqu’un sans y penser, et contre leur volonté. Comment donc y avait-il tant de grands prêtres alors ? sinon parce qu’ils n’étaient en charge que durant un an ; comme saint Luc le marque en disant de Zacharie qu’ « il était de la famille d’Abia, l’une des familles sacerdotales qui servaient tour à tour dans le temple ». L’Évangile donc appelle ici « grands prêtres » ceux qui l’avaient été autrefois, quoiqu’ils eussent cessé de l’être.
Mais quel est le conseil qu’ils prennent ensemble ? De se saisir de Jésus, et de le faire mourir secrètement, parce qu’ils craignaient le peuple. C’est pourquoi ils avaient résolu de laisser passer la fête, et ils disaient entre « eux : Il ne faut point que ce soit pendant « la fête » : Le démon, et les Juifs étaient unis dans ce dessein : le démon, afin de ne point rendre la passion de Jésus-Christ publique et manifeste, et les Juifs, afin qu’ « il ne