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des rencontres où le prétexte de leur peu de bien ne pouvait ni leur être un obstacle, ni leur servir d’excuse, comme lorsqu’il s’agit de donner un verre d’eau froide à un pauvre qui a soit, d’aller consoler un prisonnier, et de visiter un malade.
Mais je vous prie de remarquer, mes frères, que lorsque Jésus-Christ veut donner des louanges aux bons, il commence par leur représenter l’amour éternel que Dieu a toujours eu pour eux : « Venez », dit-il, « vous que mon Père a bénis, possédez comme votre héritage le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde ». Quel bonheur peut être comparable à celui d’être « bénis » et d’être bénis par le Père même ? D’où peut venir un si grand bonheur à un homme, et comment peut-il mériter une telle gloire ?
« Car j’ai eu faim », dit-il, « et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ». O paroles pleines de joie, de consolation et d’honneur pour ceux qui mériteront de les entendre ! Il ne leur dit pas : Recevez le royaume, mais « possédez-le comme votre héritage » ; comme un bien qui est à vous, que vous avez reçu de votre Père, et qui vous est dû de tout temps. Car je vous l’ai préparé avant même que vous fussiez nés, parce que je savais que vous seriez ce que vous êtes. Quelles sont donc les actions que Jésus-Christ récompense dans ses saints d’une manière si divine ? C’est, mes frères, parce qu’ils ont retiré chez eux un étranger, c’est parce qu’ils ont revêtu un pauvre, c’est parce qu’ils ont donné du pain à celui qui avait faim, et de l’eau à celui qui avait soif, enfin c’est parce qu’ils ont visité un malade ou un prisonnier. Car Dieu a principalement égard au secours que nous donnons à ceux qui en ont besoin.
Il y a même des cas où il ne considère pas si nous les avons retirés de leur misère. Et, en effet, comme je l’ai déjà dit, un malade et un prisonnier ne désirent pas seulement d’être visités. L’un veut être guéri de son mal, et l’autre veut sortir de prison. Mais Dieu étant aussi doux et aussi bon qu’il l’est, se contente du peu que nous donnons quand nous ne pouvons davantage. Il n’exige pas même tout ce que nous pourrions donner. Il laisse à notre liberté de faire plus si nous le voulons, afin d’avoir la gloire de passer volontairement au-delà de ce que nous étions obligés de faire.
Mais Jésus-Christ parle à ceux qui seront à sa gauche d’une manière bien différente. Il dit aux uns : « Venez, bénis » ; il dit aux autres « Allez, maudits », et il n’ajoute pas « de mon Père » ; parce que ce n’est que leur malignité propre, et leurs actions criminelles qui leur ont attiré cette malédiction si effroyable « Allez au feu éternel qui a été préparé », non pour vous, « mais pour le diable et pour ses anges ». Quand il parle de ce royaume bienheureux, il dit expressément qu’il a été préparé pour ceux qu’il y fait entrer ; mais lorsqu’il parle des flammes qui ne s’éteindront jamais, il ne dit pas qu’elles ont été préparées pour les damnés, mais « pour le démon et pour ses anges ». Ce n’est point moi, dit-il, qui vous ai préparé ces feux. Je vous ai bien préparé un royaume, mais ces flammes n’étaient destinées par moi que pour le démon et pour ses anges. C’est vous seuls que vous devez accuser de votre malheur, et vous vous êtes précipités volontairement dans ces abîmes.
C’est donc pour se justifier en quelque sorte qu’il dit ces paroles. « Qui a été préparé au diable, aussi bien que celles qui suivent : « Car j’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger ». Quand j’aurais été votre ennemi, ne suffisait-il pas pour toucher les cœurs les plus durs de voir tant de maux joints ensemble, la faim, la soif, la nudité, la captivité, la maladie ? Tant de maux ensemble n’adoucissent-ils pas d’ordinaire les cœurs les plus impitoyables et les plus envenimés ? Cependant c’est dans cet état même que vous n’avez pas secouru votre Dieu et votre Seigneur, qui vous fait tant de grâces, et qui vous aimait si tendrement.
Si vous voyiez un chien, ou une bête sauvage mourir de faim, vous seriez touché de compassion. Vous voyez Dieu même pressé de la faim, qui vous demande du pain par la voix du pauvre, et vous n’en avez point de pitié. Qui peut excuser cette barbarie ? Quand vous n’auriez point d’autre récompense à attendre de la charité que vous lui faites, que l’action même de cette charité et l’honneur de pouvoir rendre ce service à votre maître, cela seul, sans parler de la reconnaissance qu’il vous en témoignera à la face de toute la terre, cela seul, dis-je, ne devrait-il pas vous