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avons vu sa gloire ; sa gloire », dis-je, « comme du Fils unique du Père ». Saint Jean après avoir dit que nous avons été faits enfants de Dieu, et montré que cela n’est arrivé que parce que le Verbe s’est fait chair, déclare qu’il nous en est encore revenu un autre avantage. Quel est-il ? C’est que « nous avons vu sa gloire ; sa gloire », dis-je, « comme du Fils unique du Père ». Et certes, nous ne l’aurions point vue cette gloire, si le Fils unique ne se fût montré à nous, revêtu du corps qu’il s’est uni. Si « les enfants d’Israël » ne purent regarder le visage de Moïse, qui n’était pas d’autre nature que nous, parce qu’il était resplendissant de lumière (Ex. 34,29 ; 2Cor. 3,7) ; si un voile fut nécessaire pour couvrir et cacher la grande gloire qui environnait ce Juste, pour adoucir et tempérer l’éclat du visage du prophète, comment nous, qui ne sommes que boue et que terre, aurions-nous pu approcher de la Divinité toute pure, de cette lumière qui est inaccessible même aux vertus célestes ? Le Fils unique du Père a donc habité parmi nous, afin que nous pussions librement approcher de lui, lui parler et demeurer avec lui.
Mais que signifient ces paroles : « La gloire, comme du Fils unique du Père » ? Plusieurs prophètes ont paru tout éclatants de gloire, comme Moïse lui-même, Élie, Élisée : l’un est monté au ciel dans un char de feu (IV lib. R. 2,11) ; l’autre y a été enlevé [1]. Après eux Daniel, les trois enfants, beaucoup d’autres, et tous ceux qui ont opéré des miracles, ont été glorifiés ; de même, les anges qui se sont fait voir aux hommes dans la lumière et la splendeur de leur nature, et non seulement les anges, mais aussi les Chérubins et les Séraphins qui ont apparu au prophète, couverts d’une grande gloire : mais l’évangéliste écartant de nous toutes ces choses, élevant nos esprits au-dessus de la splendeur et de la gloire des créatures, et des autres serviteurs nos compagnons, nous installe au comble même des biens et au centre de la gloire. Ce n’est pas la gloire d’un prophète, ni d’un ange, ni d’un archange, ni des vertus célestes, ni d’aucune autre créature, s’il en est, que nous avons vue mais nous avons vu la gloire du Seigneur même, du roi même, du vrai Fils unique même, de celui qui est le Seigneur de tous les hommes.
Ce mot : « comme », n’est point ici pour marquer une comparaison, un exemple, une similitude ; mais pour établir et pour fixer indubitablement la chose : de même que si l’évangéliste disait : Nous avons vu la gloire qui convient, qui est propre au vrai et à l’unique Fils de Dieu, roi de tout l’univers. C’est là une façon de parler usuelle, et je ne ferai pas difficulté d’invoquer cet usage à l’appui de mes paroles. Car il ne s’agit pas ici de beau langage ni de périodes harmonieuses, mais seulement de votre intérêt : c’est pourquoi rien ne nous empêche de tirer nos preuves de l’usage vulgaire.
Quel est donc cet usage ? Vous allez l’apprendre : des personnes ont vu un monarque dans toute sa pompe et sa magnificence, il brille de toutes parts, il est tout couvert de pierres précieuses. S’il leur arrive de vouloir décrire à d’autres cette magnificence, cette pompe, ces ornements, cette gloire, ils peignent à leur manière, et comme ils peuvent, l’éclat de la pourpre, la grosseur des diamants, la blancheur des mules, l’or des harnais, le lustre des housses. Enfin, après avoir fait le récit de ces choses et de plusieurs autres, voyant qu’ils n’en peuvent pas bien représenter toute la richesse et la somptuosité, ils ajoutent aussitôt, mais pourquoi tant de paroles ? En un mot, il était comme un empereur, et par ce mot : « comme », ils ne veulent pas dire un homme semblable à l’empereur, mais l’empereur lui-même. C’est donc en ce même sens que l’évangéliste s’est servi de ce mot : a comme », pour montrer l’excellence d’une gloire incomparable. Tous les autres, les anges, les archanges, les prophètes exécutaient en tous les ordres qu’ils avaient reçus : mais le Fils unique agissait en tout avec l’autorité et la puissance qui n’appartient qu’au roi et au souverain Seigneur. Et voilà ce qui faisait l’admiration du peuple (Mt. 7,28) ; c’est qu’il les instruisait comme ayant autorité.
2. Les anges, comme je l’ai dit, ont donc apparu sur la terre, avec beaucoup de gloire, à Daniel, à David, à Moïse ; mais ils faisaient tout comme des serviteurs qui obéissent leurs maîtres : le Fils unique, au contraire, agissait en tout comme Seigneur et Roi de tout l’univers. Quoiqu’il soit venu et se soi montré sous une forme vile et basse, toutefois, dans cet abaissement même et sous cette forme de serviteur, la créature a connu son Seigneur. Comment ? L’étoile, du haut du ciel, a appelé les mages pour venir l’adorer ; une grande

  1. « Enlevé ». Le mot grec signifie proprement : Communi morte translatus i. e. Élisée y a été enlevé par la mort commune à tous les hommes. Cet endroit ne me parait pas net, je crois qu’il y manque quelque chose.