Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/148

Cette page n’a pas encore été corrigée


2. Mais, ô les plus insensés de tous les hommes ! quel tort Dieu vous a-t-il fait en étendant sa divine providence sur les autres nations ? la participation des autres à la même grâce et aux mêmes bienfaits a-t-elle diminué vos biens ? mais la malignité est aveugle, et elle se rend difficilement compte de ce qu’il convient de faire. Les Juifs donc, aigris et irrités de voir que d’autres allaient participer à leur liberté, ont eu la rage de se plonger eux-mêmes le poignard dans le sein, et par là ils se sont exclus, comme de juste, de la miséricorde de Dieu. Jésus-Christ leur dit : « Mon ami, je ne vous fais point de tort ; pour moi je veux donner à ceux-ci autant qu’à vous ». (Mt. 20,13-14) Mais disons plutôt qu’ils ne méritent pas même qu’on leur tienne ce langage. Celui à qui il s’adresse, s’il souffrait avec peine, s’il se plaignait que son maître donnât une pareille récompense à ses compagnons, pouvait du moins représenter ses peines, ses sueurs ; qu’il avait travaillé tout le long du jour, et qu’il avait porté 1e poids de la chaleur ; mais ceux-ci, qu’ont-ils à dire ? que peuvent-ils alléguer ? certainement, rien de semblable. Ils n’ont en eux que lâcheté, qu’intempérance et mille autres vices dont les prophètes, les accusaient et leur faisaient des reproches continuels, et, par ces vices, ils n’offensaient pas moins Dieu que les gentils. Saint Paul le déclare quand il dit : « Car il n’y a nulle différence entre le juif et le gentil, parce que tous ont péché et ont besoin, de la gloire de Dieu, étant justifiés gratuitement par sa grâce ». (R. 3,22, 23, 24)
L’apôtre traite pleinement ce sujet dans cette épître, et le fait d’une manière très utile et très-prudente. Au commencement il montre qu’ils ont mérité même d’être plus sévèrement punis que les gentils. « Car », dit-il, « tous ceux qui ont péché étant sous la Loi, seront jugés par la Loi (Rom. 2,12), c’est-à-dire, avec plus de rigueur, parce qu’outre – la nature, ils auront aussi la Loi pour accusatrice : et non seulement pour cela, mais encore pour avoir été cause que les nations ont blasphémé Dieu : « Car », dit l’Écriture, « vous êtes cause que le nom de Dieu est blasphémé parmi les nations ». (Is. 52,5 ; Rom. 2,24)
La vocation des gentils était donc ce qui irritait le plus les Juifs. Car les fidèles circoncis en étaient eux-mêmes frappés d’étonnement c’est pourquoi, lorsque saint Pierre fut de retour de Césarée à Jérusalem, ils lui firent des reproches et des plaintes d’avoir été chez des hommes incirconcis, et d’avoir mangé avec eux. (Act. 11,3 et suiv) Et après qu’il leur eut appris qu’il n’avait rien fait que par l’ordre de Dieu, ils s’étonnaient encore de voir (lue la grâce du Saint-Esprit se répandait aussi sur les gentils (Act. 10,45) : en quoi ils montraient visiblement qu’ils ne s’y étaient jamais attendus. Saint Paul sachant donc bien que c’était là ce : qui les piquait et les chagrinait le plus, ne perd aucune occasion de réprimer leur orgueil et de rabaisser leur hauteur et leur insolence.
Voyez, mes frères, comment il s’y prend après avoir disputé contre les gentils, avoir montré qu’ils étaient tout à fait inexcusables, qu’ils n’avaient nulle espérance de salut, et leur avoir vivement reproché leurs erreurs et leurs dissolutions, il adresse la parole aux Juifs il raconte d’abord ce que le prophète avait dit d’eux, qu’ils étaient méchants, fourbes, trompeurs, qu’ils étaient tous devenus inutiles, que nul d’eux ne cherchait Dieu, – mais que tous s’étaient détournés de la droite voie (Ps. 13,3-5, et 52, 3-4), et bien d’antres choses semblables, à quoi il ajoute : « Or, nous, savons que toutes les paroles de la Loi s’adressent à ceux qui sont sous la Loi, afin que toute bouche soit, fermée, et que tout le monde se reconnaisse condamnable devant Dieu…… Parce que tous ont péché, et ont besoin de la gloire de Dieu ». (Rom. 3,19, 23) De quoi donc, ô Juifs ! pouvez-vous vous glorifier ? d’où vous vient tant d’orgueil ? On vous a aussi fermé la bouche, votre confiance vous est ôtée, vous êtes condamnables avec tout le monde, et vous avez besoin, comme les autres, d’être justifiés gratuitement.
Et certes, quand même vous auriez toujours bien vécu, quand même vous auriez sujet d’avoir une grande confiance en Dieu, vous n’auriez jamais dû porter envie à ceux à qui le Seigneur, par sa bonté, a bien voulu faire miséricorde et accorder la grâce du salut. Car c’est le fait d’une extrême méchanceté de ne pouvoir souffrir qu’on fasse du bien aux autres, et principalement quand il ne vous en revient aucun mal. Encore, si le salut d’autrui vous faisait tort, vos plaintes seraient excusables, bien que peu dignes d’hommes instruits dans la sagesse ; mais si le malheur d’autrui n’augmente pas votre récompense, et si son bonheur