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ceux qui ont été choisis de Dieu l’ont trouvée ? » (Rom. 11,7) Et ailleurs : « Que dirons-nous donc, sinon que les nations qui ne cherchaient point la justice ont embrassé la justice ; et que les Israélites, au contraire, qui recherchaient la loi de la justice, ne sont point venus à la loi de la justice ? » (Rom. 9,30)
C’est effectivement une chose surprenante devoir que ceux qui sont nourris dans la doctrine des prophètes, à qui on lit tous les jours Moïse, qui parle en mille endroits de l’avènement de Jésus-Christ, et les prophètes de l’époque postérieure ; que ceux qui ont vu Jésus-Christ même opérant continuellement des miracles, ne demeurant et ne conversant qu’avec eux, et ne permettant point encore alors à ses disciples d’aller vers les gentils, ni d’entrer dans les villes des Samaritains (Mt. 10,5), ce qu’il ne faisait pas lui-même ; mais qui leur disait souvent qu’il n’avait été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël (Mt. 15,24) : il y a, dis-je, de quoi s’étonner, qu’après tant de miracles opérés en leur faveur, les Juifs, à qui on lisait tous les jours les prophètes, et qui ont entendu les continuelles prédications de Jésus-Christ même, se soient rendus si aveugles et si sourds, qu’aucune de ces preuves n’ait pu les amener à croire en Jésus-Christ.
Les gentils, au contraire, privés de tous ces avantages, n’avaient aucunement ouï parler des divins oracles : il ne s’en était pas même présenté à eux la moindre idée en songe, mais des fables insensées (car c’est ainsi que j’appelle la philosophie des païens), occupaient tout leur temps et faisaient toute leur science ; uniquement appliqués et livrés aux rêveries des poètes, ils s’étaient attachés au culte des idoles de bois et de pierre ; et, soit sur le dogme, soit sur la morale, ils n’avaient nulle idée bonne ou saine : leur vie était encore plus impure et plus criminelle que leur doctrine. Et, en effet, pouvait-on attendre autre chose de gens qui voyaient leurs dieux se plaire aux crimes les plus infâmes ; des dieux dont le culte ne consistait qu’en des paroles obscènes et des actions encore plus obscènes et plus impudiques, et qui se trouvaient par là fêtés et honorés ; des dieux auxquels on rendait hommage par des meurtres abominables et des massacres d’enfants, en quoi leurs adorateurs ne faisaient que suivre leur exemple.
Ces hommes, toutefois, qui étaient ainsi tombés dans l’abîme même de la corruption et de la méchanceté, en ont été tout à coup retirés comme par une espèce de ressort et de machine, et se sont montrés à nous du haut des cieux dans tout l’éclat de la gloire.
Mais comment et par quelle voie ce prodige est-il arrivé ? Saint Paul nous l’apprend, écoutez-le, car ce bienheureux apôtre n’a pas cessé de chercher soigneusement la cause de cet événement extraordinaire jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée pour nous la découvrir ensuite. Quelle est-elle, et d’où venait aux Juifs un si grand aveuglement ? Apprenez-le de celui à qui avait été confié le ministère de la prédication.
Que dit donc saint Paul pour dissiper le doute où plusieurs étaient ? Les Juifs, dit-il, « ne connaissant point la justice qui vient de Dieu, et s’efforçant d’établir leur propre justice, ne se sont point soumis à Dieu pour recevoir cette justice qui vient de lui ». (Rom. 10,3) Voilà l’origine de leur malheur. L’Apôtre l’explique encore ailleurs en d’autres termes : « Que dirons-nous donc, sinon que les nations qui ne cherchaient point la justice ont embrassé la justice, et la justice qui vient de la foi ; et que les Israélites, au contraire, qui recherchaient la loi de la justice, ne sont point parvenus à la loi de la justice ? » Dites-nous, grand apôtre, quelle en est la raison ? « C’est parce qu’ils ne l’ont point recherchée par la foi, car ils se sont heurtés contre la pierre d’achoppement » (Rom. 9,30-32) ; c’est-à-dire leur incrédulité a été la cause de leurs maux, et c’est de leur orgueil qu’est née leur incrédulité.
Les Juifs, qui avaient auparavant de grands avantages sur les gentils, comme d’avoir reçu la loi, de connaître Dieu, et bien d’autres que Saint Paul rapporte[1], voyant qu’après l’avènement de Jésus-Christ les gentils qui avaient été appelés à la foi jouissaient également avec eux des mêmes honneurs et des mêmes prérogatives ; qu’après avoir embrassé la foi il n’y avait nulle différence, nulle distinction entre le circoncis et l’incirconcis, passèrent de l’orgueil à la jalousie, et ne purent souffrir cette immense et ineffable miséricorde du Seigneur : ce qui ne venait que de leur orgueilleuse insolence, de leur méchanceté et de leur égoïsme.

  1. Voyez les chap. 2, 3, 9, 10, 11, de saint Paul aux Romains.