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précisément ceux qui aiment le moins Dieu ; car une âme éprise de l’amour des richesses ne s’abstiendra pas facilement des actions ni des paroles qui excitent la colère de Dieu, puisqu’elle sert un autre maître qui lui commande de faire tout ce que défend la loi du Seigneur.
C’est pourquoi, revenez à vous, sortez de votre sommeil ; et pensant à Celui dont nous sommes les serviteurs, n’aimons que son royaume ; pleurons et gémissons sur le temps passé, durant lequel nous avons été les esclaves de l’argent ; secouons une bonne fois ce joug pesant, ce joug insupportable ; et portons avec persévérance celui de Jésus-Christ qui est doux et léger ; il ne nous commandera rien de ce que l’argent commande ; car celui-ci nous ordonne de haïr tous les hommes, mais Jésus-Christ nous commande au contraire de les chérir et de les aimer tous ; l’un nous attachant à la boue, à l’argile, je veux dire à l’or, ne nous laisse pas même respirer durant la nuit ; l’autre nous délivre de ces soins superflus et insensés, et nous commande de nous amasser des trésors dans le ciel, non d’injustices faites au prochain, mais d’œuvres de justice ; l’un, après bien des sueurs et des misères qu’il nous fait essuyer, ne pourra pas nous secourir, lorsque nous serons condamnés au dernier supplice, et que, pour avoir obéi à ses lois, nous souffrirons des tourments infinis ; que dis-je ? il ne fera qu’attiser la flamme ; l’autre, s’il nous a commandé de donner à boire un verre d’eau froide (Mt. 10, 42), ne permettra même pas qu’un si léger bienfait soit privé de rémunération, mais il le récompensera largement.
Ne serait-il donc pas d’une extrême folie de négliger le service d’un Maître si doux, et qui récompense magnifiquement ses serviteurs, pour servir un tyran ingrat, quine peut aider ses esclaves, ses courtisans, ni en ce monde ni en l’autre ? Qu’il ne retire pas du supplice ceux qui y sont condamnés, ce n’est point en quoi consiste tout le mal et le dommage ; mais c’est, comme j’ai dit, en ce qu’il accable ses serviteurs d’une infinité de peines et de misères. Car en l’autre monde on verra que la plupart des damnés n’ont été livrés aux supplices que pour avoir servi l’argent, aimé l’or et n’avoir pas fait l’aumône aux pauvres.
Pour nous, de peur d’être condamnés à ces tourments, répandons nos biens avec libéralité sur les pauvres ; garantissons notre âme et des soins importuns et nuisibles de cette vie, et du supplice réservé aux coupables dans l’autre ; formons-nous dans le ciel un dépôt de bonnes œuvres ; au lieu d’amasser les richesses terrestres, faisons-nous des trésors qui ne puissent ni périr, ni nous être ravis ; des trésors qui puissent entrer avec nous dans le ciel, qui puissent nous protéger à l’heure critique et nous rendre notre Juge propice. Plaise à Dieu que ce Juge, nous étant propice et favorable, et à présent et au jour de son jugement, nous jouissions avec liberté des biens qu’il a préparés dans le ciel pour ceux qui l’aiment comme il doit être aimé ! Je vous le souhaite, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigueur Jésus-Christ, avec qui la gloire soit au Père et au Saint-Esprit, aujourd’hui et toujours, et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.