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dont il se sert pour les distinguer, quelles sont les mœurs des uns et des autres. Il appelle les uns « boucs » pour marquer leur stérilité, parce qu’il n’y a rien de moins fertile que cet animal, et il appelle les autres « brebis », pour marquer leur fécondité ; car on sait combien les brebis sont fertiles en lait, en laine et en agneaux. Mais il y a ici cette différence que cette fécondité et cette stérilité des animaux est un effet de la nature ; au lieu que les hommes sont féconds ou stériles en bonnes œuvres par le choix de leur volonté ; et qu’ainsi c’est très-justement que Dieu punit les uns, et qu’il couronne les autres. « Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, vous, les bénis de mon Père : possédez comme votre héritage le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde (34). Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’ai eu besoin de logement et vous m’avez logé (35). J’ai été nu et vous m’avez vêtu ; j’ai été malade et vous m’avez visité ; j’ai été en prison et vous m’êtes venu voir (36). Sur quoi les justes lui diront : Seigneur, quand est-ce que nous vous avons vu avoir faim, et que nous vous avons donné à manger ; ou avoir soif, et que nous vous avons donné à boire (37) ? Quand est-ce que nous vous avons vu sans logement, et que nous vous avons logé ; ou sans vêtements, et que nous vous avons vêtu (38) ? Et quand est-ce que nous vous avons vu malade ou en prison, et que nous sommes allés vous visiter (39) ? Et le Roi leur répondra : Je vous dis en vérité que chaque fois que vous l’avez fait aux moindres de mes frères, c’est à moi – même que vous l’avez fait (40) ». Il est à remarquer que cet équitable Juge ne condamnera point les méchants avant que de les avoir accusés. Il les fait donc venir devant son Tribunal, et il leur dit les justes sujets pour lesquels il les accuse. « Il dira ensuite à ceux qui seront à sa gauche : Retirez-vous de moi, maudits, et allez au feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges (41). Car j’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif, et vous ne m’avez pas donné à boire (42). J’ai eu besoin de logement, et vous ne m’avez pas logé ; j’ai été nu, et vous ne m’avez pas vêtu ; j’ai été malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité (43) ». Les méchants répondront alors à ces reproches avec modestie et avec soumission ; mais cette soumission leur sera entièrement inutile.
« Ils lui diront : Seigneur, quand est-ce que nous vous avons vu avoir faim ou soif, ou sans logement, ou sans vêtements, ou malade, ou prisonnier, et que nous avons manqué à vous assister (44) ? Mais il leur répondra : Je vous dis en vérité qu’autant de fois vous avez manqué de le faire aux moindres de ces petits, autant de fois vous avez manqué à me le faire à moi-même (45). Et alors ceux-ci s’en iront au supplice éternel, et les justes à la vie éternelle (46) ». Ne sera-ce pas avec justice que les méchants souffriront ces reproches de Jésus-Christ irrité, puisqu’ils auront négligé durant toute leur vie une chose qui lui est si précieuse et si agréable ? Car les prophètes disaient clairement au nom de Dieu même « Je veux la miséricorde et non pas le sacrifice ». Jésus-Christ le législateur le disait aussi continuellement, et par ses paroles et encore plus par ses actions, et la nature même imprime déjà ces enseignements dans l’âme des hommes. Mais remarquez, mes frères, que ces méchants, que Dieu condamne, n’avaient pas seulement manqué à la charité dans quelques points, mais qu’ils en avaient négligé généralement tous les devoirs. Car, non seulement ils ne lui ont pas donné à manger lorsqu’il avait faim, et ils ne l’ont pas vêtu lorsqu’il était nu ; mais ils n’ont pas fait même une chose aussi facile que celle d’aller visiter un malade. Et considérez, mes frères, combien tout ce que Jésus-Christ commande est facile. Car il ne dit pas : « J’étais en prison », et vous ne m’avez pas délivré : « J’étais malade », et vous ne m’avez pas guéri ; mais « vous ne m’avez point visité, vous ne m’êtes point venus voir ». Il n’était pas aussi difficile de le soulager dans la faim qu’il endurait. Car il ne demande pas des tables somptueuses, il ne veut que ce qui est purement nécessaire. Il ne demande pas même ce secours sous la forme et sous l’apparence d’un prince, mais sous celle d’un pauvre et d’un humble esclave.
Considérez donc toutes ces circonstances, dont chacune aurait suffi pour condamner ces ingrats ; le peu qu’il leur demandait, puisque ce n’était que du pain ; la misère de celui qui leur demandait qui était si pauvre ; la compassion dont ils devaient être touchés, puisque