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ceux-ci pour la joie qu’ils auront de leur déshonneur et de leur ignominie.
S’il y a eu des coups donnés, des plaies, des blessures, la crainte est alors bien plus grande : on redoute qu’il n’arrive quelque chose de pis à ceux qu’on a frappés ou blessés ; on craint que la fièvre ne leur survienne et ne leur cause la mort, ou qu’une plaie difficile à guérir ne les mette en, péril de la vie. A quoi bon, disent-ils, cette bataille, ce débat, ces injures ? Peste soit de ceci et de cela ! et ils maudissent ainsi tout ce qui a donné lieu à la querelle : il en est qui poussent la démence jusqu’à s’en prendre à la malignité des démons, à l’heure, au temps.
Maris ce n’est pas la mauvaise heure qui est cause de ce qu’ils ont fait : il n’y a point d’heure mauvaise ; les malins démons non plus ne sont pas les auteurs de ce qui s’est passé ; tout vient de la méchanceté de ceux qui ont cédé à la colère. Ce sont eux qui attirent les démons, et qui se font à eux-mêmes tout le mal. Mais, direz-vous, la bile s’émeut, le cœur s’enflamme, et se pique des outrages ? Je le sais, je l’ai éprouvé moi-même comme vous, c’est pour cela que j’admire ceux qui répriment cette méchante bête. Car, si nous voulons, nous pouvons chasser cette maladie. En effet, pourquoi, si des grands, si des princes nous outragent, ne cherchons-nous pas à nous venger ? N’est-ce pas parce que la crainte, qui n’est pas moins forte que la colère, intimide cette colère, et ne lui permet même pas d’éclater au-dehors, mais qu’elle l’étouffe au dedans dès le commencement ? Pourquoi enfin, nos serviteurs, quand nous les chargeons de mille injures, le souffrent-ils sans dire un seul mot ? N’est-ce pas parce que cette même crainte les lie et les retient ? Mais vous, ne vous bornez point à songer à la crainte de Dieu : dites-vous que ce même Dieu qui vous prescrit le silence, est lui-même l’auteur de l’offense, et alors vous ne songerez plus à vous plaindre.
Dites à celui qui vous insulte : Que puis-je vous faire ? un autre retient ma langue et ma main : et cette parole deviendra pour vous et pour l’agresseur une raison de vous modérer. Mais nous souffrons les choses même les plus insupportables par considération, et par respect pour les hommes ; nous disons souvent à ceux qui nous insultent : c’est un autre, ce n’est point vous qui m’avez fait de la peine : et nous n’aurons pas les mêmes égards, le même respect pour Dieu ? Quel pardon pouvons-nous attendre ? Disons-nous à nous-mêmes : c’est Dieu qui nous frappe maintenant, c’est lui aussi qui lie nos mains, gardons-nous de regimber et de nous montrer moins obéissants à Dieu qu’aux hommes.
Vous tremblez à cette parole ? Tremblez donc aussi au moment d’agir. Dieu nous a commandé, si l’on nous donne des soufflets, non seulement de les souffrir, mais encore de nous offrir à un pire traitement. (Mt. 5,39) Et nous, nous nous défendons avec tant de force et de vigueur, que non seulement nous ne voulons pas supporter le moindre mal, mais que nous faisons même tous nos efforts pour nous venger, que dis-je ? nous allons jusqu’à devenir nous-mêmes provocateurs, et nous nous jugeons vaincus, faute d’avoir rendu la pareille. Et ce qu’il y a de plus fâcheux et de plus funeste pour nous, c’est que nous nous imaginons avoir remporté la victoire, lorsque nous avons subi la pire défaite et que nous sommes par terre ; c’est que nous croyons avoir triomphé du diable, lorsqu’il nous a porté mille coups et couverts de blessures.
C’est pourquoi, apprenons, je vous prie, en quoi consiste ici la victoire, et tâchons de la remporter ; souffrir, c’est être couronné. Si nous voulons donc que Dieu même nous proclame victorieux, gardons-nous de suivre les maximes en usage dans les luttes du monde ; mais observons la loi que Dieu a prescrite pour ces combats, qui consiste à souffrir courageusement et avec patience. Ainsi puissions-nous vaincre nos ennemis, et obtenir les biens de cette vie et de l’autre, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui la gloire, l’empire, l’honneur appartiennent au Père et au Saint-Esprit, aujourd’hui et toujours, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.